Le volley mondial et ses tournois en trop

L’équipe de France de volley vient d’entamer à Berlin un ultime tournoi pour décrocher le dernier ticket olympique en jeu. Cette nouvelle campagne sera le dernière des dix menées par les Bleus depuis les Jeux de Rio 2016. Un calendrier démentiel dont la fédération internationale (FIVB) est l’unique responsable.

La multiplication des pains

Au sens littéral du mot, la FIVB est exceptionnelle. Quand les autres grandes fédérations de sport collectif n’ont à leur calendrier international qu’une seule grande compétition mondiale, ou, à la rigueur, deux. Le volleyball en offre quatre: Championnats du Monde, Ligue des Nations (ex Ligue Mondiale), Coupe du Monde et World Grand Champions Cup. Les deux dernières – dont vous n’avez sans doute jamais entendu parlé – n’ayant guère d’autre rôle que de fixer dans le marbre le classement mondial, dont le parcours dans les autres tournois, les vrais, dépend largement.*

Cette avalanche de trophées est évidemment ridicule, le nom même de ‘World Grand Champions Cup’ est risible et suffit à démonter la vacuité d’un tel truc. Tout cela porte à confusion et délégitime les véritables compétitions mondiales. On ne peut pas empiler les machins mondiaux à l’envie sans qu’ils n’aient d’effets négatifs sur les autres tournois déjà existants. Quatre récompenses mondiales, c’est au moins deux de trop. Pour ne pas dire trois. Pour certains esprits, même parmi les plus distingués, faire la différence entre Ligue Mondiale et Championnats du Monde semble déjà constituer un exercice de haut vol (non, la France n’a jamais été « championne du monde de volley-ball »).

Comme la FIVB a multiplié les compétition, elle a également redoublé les rencontres à l’intérieur de chacune. En 2010, elle a par exemple fait preuve d’un esprit d’initiative peu commun en imaginant une troisième phase de groupe à ses Championnats du Monde.

La situation étant devenue complexe à l’absurde, il n’est pas rare de voir les premiers concernés (joueurs et entraîneurs) se perdent dans ce dédale de règlements et tournois en tout genre. Lors des derniers mondiaux masculins, les équipes ne savaient pas si leurs points seraient conservés d’une phase de groupe à l’autre, ni comment le classement des poules seraient établis, obligeant ainsi la FIVB à envoyer un mail à chaque équipe en toute urgence et en plein tournoi pour préciser les différentes modalités de qualification. Un amateurisme incroyable pour une fédération qui se targue – à tort – être le deuxième sport le plus populaire au monde.

Le chemin de croix olympique

L’amusant calendrier 2019 des Bleus.

On aurait pu croire que quatre compétitions mondiales, et un championnat continental, auraient été suffisants pour désigner les équipes inscrites au rendez-vous olympique. Mais non, aucune n’est qualificative pour les Jeux. A la table déjà largement indigeste du volley mondial, se sont ainsi ajoutées des Tournois de Qualification Olympique (TQO). Les premiers disputés en août dernier, et un second, celui qui vient de s’ouvrir en Allemagne, réservé aux équipes continentales.

Le volley est d’ailleurs le seul sport collectif avec le rugby à VII qui s’encombre de deux tournois qualificatifs. Le basket, le hand ou le water polo n’ont besoin que d’un seul TQO. Le football s’en passe même complètement pour désigner ses équipes européennes aux Jeux Olympiques.

Faisons les comptes. Durant un cycle olympique de quatre ans, une équipe nationale peut ainsi être amenée à disputer quatre compétitions mondiales différentes dont l’une qui se joue chaque saison, un championnat continental disputé tous les deux ans, et deux tournois pour participer aux Jeux Olympique. Soit treize campagnes internationales possibles en quatre ans (JOs compris), plus de trois par saison…

Si la France devait se qualifier pour les Jeux de Tokyo, entre l’été 2019 et 2020, elle aurait ainsi joué six compétition internationales (deux Nations League, un Championnat d’Europe, deux TQOs et bien sûr les Jeux) pour un total d’environ 60 matchs. Même si la Team Yavbou décrochait son Graal olympique, il y a tout à parier qu’elle arriverait au Japon sur les rotules, comme elle en a déjà fait l’amère expérience il y a quatre ans à Rio.

Cette recrudescence des matchs internationaux ne met pas en péril que la santé des joueurs, la pérennité des clubs professionnels et des ligues est également en jeu. Les périodes réservées aux matchs de championnat et de coupe d’Europe sont de plus en plus réduites et les joueurs de plus en plus éreintés par leurs parcours internationaux. Dans beaucoup de clubs, qui les emploient pourtant, on voit moins souvent les joueurs que les fédérations qui en profitent gratuitement. En 2017 une association regroupant les principales ligues européennes professionnelles du continent avait justement été crée pour chercher à protéger les intérêts des clubs et des ligue contre l’appétit grandissant de la FIVB et de ses affidés continentaux.

L’appât du gain comme seule boussole

Cette multiplication des compétions (et des matchs) n’a qu’un seul but: remplir les coffins de la fédération internationale fondée en 1947. Il n’y a aucune autre justification possible à ce calendrier inconscient qui ne respecte ni les joueurs ni la légitimité sportive. La fédération polonaise a par exemple déboursé 500 000 euros  pour accueillir le tournoi qualificatif du mois d’août (que son équipe à remporté, notamment contre la France). Un demi million d’Euros: le prix d’une place aux Jeux Olympiques en somme…

Entre les hommes et les femmes, ce sont 22 tournois de qualification olympique qui ont, ou vont être, organisés sous l’égide de la FIVB. 22 fois 500 000 euros, je vous laisse à vos calculs…. Dans l’affaire, elle y gagne au moins une dizaine de millions d’euros, sans rien faire, si ce n’est mettre aux enchères des compétitions qui pourraient tout aussi bien ne pas exister si elle le décidait. Des compétitions illégitimes sportivement, nuisibles pour la santé des joueurs et néfastes pour l’économie du volley professionnel. La FIVB abuse de son monopole sur le sport pour gagner quelques écus sur le dos de ceux qu’elle est censée servir.

C’est aussi cette avarice qui explique pourquoi les grandes compétitions se déroulent désormais dans de multiples pays, dont on cherchera longtemps la cohérence géographique et/ou culturelle. Par exemple, le dernier championnat d’Europe masculin qui s’est joué en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Slovénie, condamnant les joueurs à d’inutiles transferts à travers le continent et renforçant encore un peu plus leur fatigue.

Les championnats du Monde ou d’Europe ne sont plus l’occasion de développer le sport dans tel ou tel pays, mais plus certainement l’opportunité de maximiser la somme des droits que la FIVB ou son homologue européenne, la CEV, est en mesure d’exiger des fédérations nationales L’intérêt supérieur du sport n’existe pas ou plus, l’intérêt à court terme des fédérations internationales l’emporte sur toutes autres considérations.

Considérer ses nations membres comme des cerfs corvéables à merci, privilégier le court au moyen et long terme n’est pas l’exclusive de la pathétique FIVB. Toutes les fédérations internationales dépérissent des mêmes maux, à des degrés divers. Leur nature monopolistique les y condamne. Le cas du volley est simplement plus ouvertement scandaleux qu’ailleurs.


*Plus d’explications sur ce sujet, un jour. Peut-être.

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