Histoire du Stade Pershing

Les Jeux Interalliés de 1919

Quelques semaines avant la signature de l’Armistice, Elwood S. Brown, directeur du département des sports de l’YMCA (Young Men’s Christian Association) propose plusieurs suggestions portant toutes sur la promotion du sport une fois la paix revenue. Il a notamment dans l’idée la tenue de compétitions athlétiques interalliées ouvertes seulement aux soldats des armées vainqueurs. C’est cette dernière suggestion qui retient l’attention des dirigeants de l’YMCA.

La tenue de la compétition reçoit rapidement l’accord du Général John Pershing, commandant en chef du Corps Expéditionnaire Américain. Véritables olympiades militaires, l’YMCA se passe cependant du concours de CIO et envoie de son propre chef les invitations aux athlètes des 29 nations victorieuses. 1 500 athlètes de 18 nations différentes répondront à l’appel. Plus qu’une réunion d’un petit club de pays victorieux, la manifestation doit permettre d’établir la viabilité de l’idée olympique mis à mal par 4 années de guerre.

Après avoir un temps prévu la tenue des Jeux au Stade de Colombes (Stade du Matin alors), l’organisation américaine décide de bâtir un stade spécifiquement prévu pour accueillir les Jeux. Sur un terrain du Bois de Vincennes cédé par le gouvernement français et la Municipalité de Paris, s’élève en à peine 3 mois un stade de 29 000 places grâce au travail acharné de l’YMCA et de l’armée américaine. Selon diverses estimations, le coût du stade représente alors un investissement compris entre 80 et 250 000 dollars.

Le 22 juin, première journée des Jeux, le Stade est officiellement inauguré par les Présidents Wilson et Poincaré, ainsi que par le Général Pershing. Durant 15 jours, le stade accueille la plupart des compétitions organisées durant les jeux: rencontres de rugby, de « soccer », de baseball ou de basket s’enchaînent sur la pelouse du stade devant plusieurs dizaines de milliers de spectateurs quotidiens. Les réunions d’athlétisme profitent de la piste cendrée – la première en France – de Pershing. Sans surprise, les Jeux sont un triomphe pour le sport américain qui ressort grand vainqueur de la compétition.

Inauguration du stade le 22 juin 1919

Suite à la fin de la compétition le 6 juillet, l’armée américaine et l’YMCA remettent l’enceinte au Gouvernement Français comme un symbole de l’amitié renouvelée entre les deux peuples sur le sentier de la guerre. Sur une plaque en bronze à l’extérieur du stade on peut lire ces mots:

« That the cherished bonds of friendships between France and America forged anew on the common field of battle may be tempered and made enduring on the friendly field of sport ».

Le plus grand stade de France

Avec un stade de Colombes qui ne dépasse pas les 10 000 places, et un Parc des Princes qui n’en offre qu’à peine le double, le Stade Pershing représente dans ce début des années 20 la principale enceinte sportive française. Les différentes fédérations, notamment celle de football, comprennent rapidement tout l’intérêt du nouveau stade. L’équipe de France de Football y dispute une première rencontre le 5 mai 1921, jour du centenaire de la mort de Napoléon, face à l’équipe d’Angleterre amateur (2-1). Pour la première fois une équipe de France bat une équipe venue d’Outre Manche. Six nouveaux matchs de l’équipe nationale suivront jusqu’en 1926.

Le Stade Pershing accueille également à 4 reprises la finale de la Coupe de France de 1921 à 1924, voyant le sacre à 3 reprises du Red Star de 1921 à 1923, puis celui de l’Olympique de Marseille en 1924. De nombreux autres matchs de Coupe seront organisées à Pershing durant toutes les années 20.

Finale de la Coupe de France 1924 entre le Red Star et l’Olympique

Le rugby, lui, se fait plus discret sur la pelouse de Pershing, le XV de France n’y disputant qu’une unique rencontre contre l’Ecosse le 1er janvier 1924. L’occasion d’une troisième victoire face à ce pays (12-10) dans le cadre du Tournoi des V nations.

L’enceinte parisienne reste surtout célèbre pour avoir accueilli le 31 décembre 1933 dans le froid et la neige, la première rencontre de rugby à XIII jamais disputée en France entre l’Australie et l’Angleterre (63-13). Déjà en 1922, une première démonstration du néo-rugby aurait dû se tenir sur la pelouse de Pershing entre l’Australie et une sélection du Nord de l’Angleterre. Il avait alors fallu tout l’influence de la Fédération Française de Rugby à XV pour que la rencontre ne se dispute pas.

La deuxième tentative sera la bonne, Jacques Goddet écrira dans l’Auto « Devant le public parisien, le Rugby à XIII a présenté un jeu rapide, clair mais monotone…un beau sport… les curieux y prirent beaucoup de goût. »

Dans le même temps, l’ancien stade des Jeux Interalliés s’impose comme le cœur du sport féminin naissant. Le 30 octobre 1921, le stade accueille devant 20 000 curieux la première rencontre internationale entre la France et l’Angleterre disputé sur le sol français (0-0). Pershing est également choisi pour accueillir les Premiers Jeux Mondiaux Féminins en 1922, une compétition née du peu de place réservées aux femmes durant les Jeux Olympiques. Devant plus de 20 000 spectateurs réunis à Pershing, 18 records du monde féminin sont battus ou établis en athlétisme dans la journée du 22 août 1922.

11-2-23, stade Pershing, coupe
Du football féminin à Pershing (1923)

Le début de la décennie est également marquée par la tenue à Pershing de galas de boxe – Carpentier y évolue en 1920 -, de réunions athlétique internationales contre la Suède ou l’Allemagne notamment, et enfin de grands rassemblements populaire comme la « Fête du Printemps » sous le patronage du Maréchal Pétain.

Un Éléphant Blanc ?

En dépit des nombreux événements majeurs qui s’y tiennent jusqu’au milieu des années 20, la ville de Paris n’entretient guère Pershing et ne sait trop quoi en faire. Certains iront même jusqu’à proposer en 1921 de convertir l’enceinte en une arène moderne pour faire revivre les combats de taureaux disparus de la Capitale depuis un siècle. La presse américaine soucieuse de l’avenir de l’enceinte que son armée à construit se fait l’échos de la transformation de l’enceinte en un « White Elephant ».

Jusqu’à la mi-1922, le Stade Pershing tient pourtant la corde pour accueillir les Jeux Olympiques de 1924 dont Paris a été désignée ville-hôte le 21 juin 1921. Le Conseil de Paris désireux d’apporter une solution à moindre prix quant à la question du Stade Olympique propose ainsi la rénovation du Stade Pershing à l’aide d’une subvention d’un million de France (alors que 8 à 9 millions auraient en fait été nécessaires). Une proposition inacceptable pour le CIO et le Comité d’Organisation qui se tourneront in fine vers le Stade du Matin que le Racing Club de France réaménagera pour recevoir 45 000 spectateurs. Durant les Jeux, Pershing devra se contenter de l’accueil de quelques rencontres du tournoi de football.

Désormais déclaré « sans intérêt » par la ville de Paris, le Stade Pershing est progressivement abandonné, sans que quiconque ne se charge de l’entretenir. Pershing tombe en ruine, certains parties du stade sont entourés de fils de fer et interdites au public. Les vestiaires ne sont bientôt plus chauffés, ni éclairés. La rencontre de rugby à XIII entre l’Australie et l’Angleterre de 1933 déjà citée et le Rassemblement international du sport ouvrier en 1934 qui regroupera 3 000 sportif et 20 000 spectateurs seront les deux derniers événements majeurs à se disputer à Pershing.

Expulsé de la Parte Dorée, le PUC devient locataire de Pershing à partir de 1929. Il y demeurera jusqu’en 1939 et l’ouverture de Charléty. Quelques rares rencontres de football (match de sélection de l’équipe militaire) ou concours d’athlétismes (organisées par le PUC notamment) y sont encore organisées. Le chat est maigre.

[Stade] Pershing, 18/10/25, [match de] rugby, Stade français contre Biarritz : [photographie de presse] / [Agence Rol]
Les matchs de rugby à Pershing n’attirent pas la grande foule
Alors que Pershing continue à se détériorer, les projets grandioses se multiplient. Dès 1936, on projette d’y aménager un stade de 80 000 places dans le cadre de l’Exposition Internationale de 1937.

Durant l’Occupation, un timide plan de rénovation est mis en place, mais qui doit rapidement être suspendu à cause du manque de matériaux disponibles. Il ne sera jamais repris. Par la suite, les tribune de Pershing sont définitivement interdites au public, la pelouse de l’enceinte n’accueillant plus que les rencontres des sportifs locaux, notamment de l’AS Saint-Mandé.

Au début des années 60, la France et le sport tançais coure toujours après la réalisation d’un grand stade omnisports de 80 à 100 000 places à l’égal de ses voisins européens. Pershing est choisi pour abriter ce nouveau temple du sport tricolore. Mais une nouvelle fois, le projet n’aboutit pas. Les raisons sont multiples: existence de projets concurrents, inquiétude des riverains, difficulté de financement, etc. Le sport français devra se contenter de la reconstruction du Parc des Princes en 1972.

Encore dans les années 80 (dans le cadre de la candidature de Paris aux Jeux Olympiques de 1992) et 90 (Coupe du Monde 1998), la possibilité de construire un grand stade échappera à Pershing.

De projet abandonné en projet abandonné, les anciennes installations de Pershing sont rasées dans les années 60 pour permettre l’édification d’une vaste zone sportive, comprenant notamment des terrains de  baseball et de softball, qui feront longtemps de Pershing le temple de ce sport en France. Le terrain devant même recevoir une partie ses tournois de baseball et de softball dans les projets Paris 2008. La encore une entreprise qui n’ira pas à son terme.

Plus que le baseball, Pershing est surtout aujourd’hui le lieu de rencontre de milliers de sportifs amateurs chaque année qui sans doute doivent ignorer tout de l’histoire du site qui les accueille.

Le Stade Pershing en 2012

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