US Dax: Histoire du Stade Maurice Boyau

Le premier vélodrome de France

« la première piste permanente de France »

Le 27 septembre 1885 se tient à Dax un événement majeur dans l’histoire du sport français. La société de cyclisme, le Véloce Club dacquois, fondée plus tôt dans l’année inaugure bien avant Paris ou les grandes villes de Province le premier vélodrome permanent jamais construit en France. Des centaines d’autres pistes suivront l’exemple de la petite ville thermale.

L’expérience fait pourtant long feu. Bâti sur les terrains du champ de Cuyès que la mairie a cédé au club, le club est délogé du vélodrome en 1890 par la mairie qui le transforme en jardin municipal. Fort heureusement, le club y retourne deux ans plus tard et le réaménage en 1894. Le vélodrome en terre battue de 400m semble de nouveau abandonné vers 1897 avec la disparition du Véloce.

Dans la sous préfecture des Landes, tandis que la petite reine se meure, la balle ovale naît. En 1901, le Stade Bordelais, champion de France 1899, descend à Dax proposer un match de propagande disputé devant 2.000 spectateurs. Pourtant dans la ville, on ne joue pas encore au rugby, mais comme dans de nombreuses villes du Sud-ouest, à la barette du Docteur Tissié. Le Stade Dacquois s’y essaye sur le champ de Cuyès.

Dans le même temps, en 1902, le Véloce Club est reconstitué. L’année suivante, son président Leon Gischia propose aux joueurs du Stade Dacquois de les rejoindre dans une nouvelle société: l’Union Sportive Dacquoise. La fusion des deux groupes est effective dès 1903 et rendue officielle l’année suivante.

L’Union retrouve les terrains du Stade Dacquois et s’installe l’ensemble de ces sections au champ de Cuyès pour lequel le club reçoit une subvention de 6.000 francs pour son aménagement. En 1905, un fronton – l’un des tout premiers hors du Pays Basque – est inauguré ainsi qu’un nouveau vélodrome de 250m en ciment.

Le nouveau vélodrome dédié au cyclistes

En 1912, le club landais enlève son premier titre, celui de champion de la côte basque. Déjà l’équipe compte deux internationaux, dont le troisième ligne Maurice Boyau qui en est également son capitaine. La Grande Guerre met un terme à cet élan. 72 membre de l’USD n’en reviennent pas dont le capitaine des rugbymen devenu entre-temps un héros de l’aviation, un As aux 35 victoires. Boyau avait trouvé la mort en septembre 1918 quelques semaines seulement avant l’Armistice.

Mais le club reste actif, et la jeunesse dacquoise qui n’a que quelques foulées à faire pour passer de l’Ecole au Stade se révèle. C’est la « grande équipe » des années 20 qui comptera jusqu’à 6 joueurs appelés en équipe de France. Désormais, Dax rivalise avec les meilleures formations du pays.

Match international à Dax. A l’arrière l’école de la ville (actuel Lycée Borda)

Le Stade Maurice Boyau premier du nom

Cuyès est aménagé pour recevoir dignement cette équipe, des tribunes au couleurs du club sont installées et le stade prend le nom de Maurice Boyau. En 1924, une souscription est lancée pour faire construire une statue à son honneur. Représentée dans sa tenue d’aviateur, Boyau tient dans sa main une autre statue le représentant cette-fois dans son uniforme de rugbyman. Cette statue dans la statue sera continuellement volée décennie après décennie…

La Statue de Maurice Boyau avant qu’elle ne soit installée devant le stade actuel

Alors que plusieurs finales du championnat de Côte Basque s’y sont déroulées avec succès, l’enceinte dacquoise est choisie en 1930 pour accueillir un match de sélection de l’équipe de France. Abel Guichemère, président de la section rugby de l’USD depuis sa retraite comme joueur en 1927, mobilise la population et reçoit 50.000 francs pour aménager et agrandir Maurice Boyau pour l’occasion. Malheureusement, ces nouvelles tribunes partent en fumée l’année suivante ainsi que les vestiaires et plusieurs bâtiments, sans doute victimes d’un incendie criminel. Les travaux de reconstruction ne tardent pas et les nouvelles installation de l’USD sont inaugurées pour la réception du Stade Français en janvier 1932.

Le cyclisme n’est pas oublié. Le vélodrome gagne de son côté de nouvelles tribunes au début des années 30 et surtout la lumière éclaire la piste à partir de 1932. Il s’agit du seul vélodrome de la région paré d’un tel luxe. Les nocturnes de Maurice Boyau sont un vrai succès. Sur ce vélodrome, un jeune gars du coin fera ses première armes, il s’appelle André Darrigade.

Une concurrence vite étouffée

Le rugby des années 30 est un jeu particulièrement violent. Dax ne déroge pas à la règle. En 1933, à la sortie d’un match contre Bayonne, ce ne sont pas moins de 6 joueurs dacquois, dont toute la première ligne, qui sont radiés à vie par la Fédération. De cet incident, va naître deux ans plus tard l’équipe ‘professionnelle’ de Dax XIII qui s’installe sur un terrain qu’ils aménagent dans le quartier du Sablar: le Stade du Colonel Poeymiro.

Triste fin anonyme pour les treizistes dacquois

Sans leurs avants, les quinzistes chutent en deuxième division en 1936 et manquent même de tomber en Promotion deux ans plus tard. Mais heureusement pour eux le flirt de la cité thermale avec le néo-rugby se termine dès 1938. Dax XIII abandonne la compétition, le professionnalisme, son stade même, dont la tribune fera pendant plusieurs décennies le bonheur des supporters de Saint Paul Sports.

De nouveau seul maître en son domaine, l’USD revit autour de ses cadres revenus et de son école de rugby. Le club regagne à la Libération sa place en première division. Pierre Albaladejo fait ses débuts en équipe première et en équipe nationale. En 1956, le club atteint une première finale du Championnat de France (défaite 0-20 face à Lourdes), puis remporte son premier Challenge Yves du Manoir l’année suivante à l’heure de quitter Cuyès pour un nouveau stade construit par la ville.

Albaladejo balle en main à Cuyès

Le Parc Municipal des Sports

Ce nouveau stade était attendu en fait depuis 25 ans. En 1933, déjà, le maire Eugène Milliès-Lacroix, qui avait été président de l’USD de 1913 à 1925, avait soumis l’idée de transformer plusieurs hectares longeant l’Adour et régulièrement inondés en parc des sports. Le projet avait même été adopté par le conseil municipal en 1937 et une digue construite en 1938 pour le protéger d’éventuelles inondations. Au sortir de la guerre, le projet perdra encore trois ans en tractations avec le ministère sur l’orientation des tribunes, les trois tranches de travaux du futur « Parc Municipal des Sports » n’étant finalement votées que le 6 février 1948.

Le chantier est immense pour une ville de la taille de Dax (20 000 habitants). 34 000 mètres cubes de terre sont d’abord nécessaires pour assainir les terres du futur parc, on prévoit de couler certains pieux à 18 mètres de profondeur. Mais les inondations de 1952 provoquent l’hésitation de beaucoup. Certains veulent désormais que l’on construise le stade ailleurs. Finalement, les travaux débutent sur des plans établis par l’architecte municipal Hébrard. 60 millions de francs sont nécessaires pour terminer le chantier.

La Tribune de Face n’a pas encore été construite

Le nouveau stade et sa piste en cendrée sont prêts pour le Tour de France 1958 dont la 12e étape se termine dans la cité thermale. Le belge Martin Van Geneugden règle l’échappée, mais tout le monde s’en moque. André Darrigade porte le maillot jaune. Tout Dax s’est retrouvé au nouveau stade pour l’apercevoir et célébrer l’enfant du pays.

L’inauguration officielle est repoussée au 11 novembre 1958. Les différentes associations de la ville sont conviées à l’événement. Les Girondins de Bordeaux ainsi que des champions de renom comme Alain Mimoun ou le perchiste Victor Sillon participent aussi à la célébration. C’est le maire de Dax Eugène Milliès-Lacroix, qui préside l’inauguration du Parc Municipal des Sports qu’il avait imaginé un quart de siècle plus tôt. Par la suite, une piscine en 1965, une salle omnisports et un fronton couvert en 1975, ainsi que différents terrains annexes compléteront les installations du parc municipal.

Dans leur nouveau stade, on retrouve les rugbymen dacquois là où on les avait quittés, c’est-à-dire en finale du championnat 1961 et une nouvelle fois défaits. Les Dacquois s’inclineront encore à deux reprises au pied du Brenus dans les années 60. A l’occasion de ces trois nouvelles défaites, l’USD ne s’incline jamais par plus de 3 points. Le palmarès du club s’enrichit toutefois de deux Challenges Yves du Manoir en 1959 et 1969.

Les années 70 paraissent fades à l’égard de la décennie précédente. Pourtant, l’USD atteint encore la finale du championnat en 1973, conclue sur une invariable défaite (12-18 face à Tarbes). Le Challenge Yves du Manoir 1971 n’est qu’une maigre consolation pour ce club qui ne sera jamais sacré champion de France*. Dernier trophée en titre, le club remporte un 5e Yves du Manoir en 1982. Puis l’élite du rugby français se resserre, se professionnalise. Dax résiste, mais chute une première fois en D2 en 2002. Remonte, redescends. Une fois, deux fois.

Le retour du Stade Maurice Boyau

Devant les incertitudes qu’ouvre le professionnalisme pour un club aux moyens restreints l’USD cherche à raviver ses racines. En 2000, le Parc Municipal des Sports est baptisé comme le terrain de Cuyès avant lui du nom de Maurice Boyau.

Le passé est une chose, l’avenir une autre. Maurice Boyau en l’état ne convient pas à un club professionnel. Le manque de loges et de confort, l’accueil des partenaires sont autant d’obstacles à la pérennisation du club à ce niveau. L’insuffisance de places assises aussi. Des 15 000 places du stade, seules 4 300 sont assises et couvertes (3 100 en grande tribune, et 1 200 en petite). La grande majorité des spectateurs se massent autour de la main courante ou sur la butte en herbe derrière l’un des en-buts.

En 2006, l’idée d’un nouveau stade commence à émerger. Le monde politique local se déchire entre un stade neuf ailleurs ou la reconstruction de Maurice Boyau. Dans les deux cas, la construction serait couplée à un vaste projet commercial et financé entièrement par des fonds privés.

Les élections municipales de 2008 valident la seconde option qui doit faire de Maurice Boyau un stade entièrement rénové, formant un U, sans piste d’athlétisme et disposant d’au moins 10 000 places assises. Ce projet ambitieux, mais peut-être irréaliste, se noiera dans de multiples controverses politiques et économiques et sera purement et simplement abandonné.

Le projet avorté du nouveau Stade Boyau

En 2018, et alors que l’USD vient de chuter en Fédérale 1, la mairie annonce reprendre le projet de rénovation à son compte. Il n’est plus question de nouveau stade, ni de financement privé, mais de la reconstruction pour 5 millions d’euros d’argent public de la Tribune de Face accompagné de la restructuration de la Tribune d’Honneur (vestiaires, remise aux normes, etc.)

Cette nouvelle structure de 2.000 places et surélevée par un grand salon panoramique est inaugurée le 2 novembre 2019 pour la réception du Stade Nantais en Fédérale 1.

L’US Dax ne soulèvera jamais le Bouclier de Brennus, mais n’a peut pas tout à fait dit adieux au monde professionnel.

 


* Depuis la malheureuse victoire des Clermontois en finale du championnat 2010, c’est à l’USD qu’échoie aujourd’hui de porter le titre assez peu recherché de l’équipe ayant participé au plus de finales (5) sans en avoir jamais gagné une seule.


Source (1) : Gallica, Retronews..
Source (2) : US Dax: Un siècle de sport (1904-2004)

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