Avec l’aide de Coubertin
Après le Havre et presque en même temps que Paris, Bordeaux est la deuxième ville française à se laisser prendre aux sports athlétiques modernes avec la fondation du Bordeaux Athletic Club en 1876 (ou 1877). Club réservé aux résidents britanniques, le BAC fait des petits auprès des jeunes français. A commencer par le Stade Girondin, le Burdigala et, surtout, le Stade Bordelais fondé en 1889. Pour l’heure, il n’est encore question que de quelques courses à pied organisées au Vélodrome de Saint Augustin ou dans les rues de la ville.
Dès l’automne 1890, le club est reconnu par les autorités girondines, notamment grâce au patronage du Baron Pierre de Coubertin, sans doute soucieux d’installer à Bordeaux une antenne de l’USFSA et désireux de couper l’herbe sous le pied du Docteur Tissié et de sa Ligue Nationale d’Education Physique déjà bien implantée dans le Sud-Ouest.
En septembre 1892, une première rencontre de football-rugby entre deux équipes du Stade Bordelais est organisée sur une pelouse du Parc Bordelais. 500 personnes découvrent ce nouveau spectacle.
Ces premiers matchs se déroulent à Caudéran à l’ombre des anciennes arènes de la ville. L’année suivante de premiers matchs contre le Bordeaux Athletic Club sont organisées ainsi qu’une première rencontre officielle décernant un titre de Championnat du Sud-Ouest est organisé contre le Sport Athlétique Bordelais.. Le Stade Français visite également le club en 1893 au Clos Saint-Jean dans ce qui est très probablement le premier déplacement d’une équipe parisienne en Province.
En 1895, le Stade Bordealais absorbe le Bordeaux AC. Il y gagne de nouveaux jours expérimentés et un nouveau président, écossais, Shearer. Grâce à ses renforts, le club parvient à signer le 18 décembre 1895 l’acquisition d’un bail pour un terrain situé sur la commune du Bouscat route du Médoc, au lieu-dit ‘Sainte-Germaine’.
Comme d’autres avant lui, le Stade Bordelais fait le choix d’un terrain en bordure nord de la ville dans les quartiers chics qui accueillent déjà les principales installations sportives de la ville (hippodrome vélodrome du Parc, American Park, terrains du Sport Athlétique Bordealais). Il y sera d’ailleurs vite rejoint par le SAB qui y louera également un terrain, au même propriétaire.
Au sommet du rugby français
Date clé du rugby bordelais et national: l’année 1899 marque l’ouverture du Championnat de France aux représentants du reste du pays. Dorénavant, La Province et Paris enverront chacun un de leur représentants dans une finale disputée alternativement à Paris et en Province. Pour cette première édition, le Stade Français est convié au Bouscat pour y affronter le Stade Bordelais. Les Girondins l’emportent devant 3 000 spectateurs sur le score de 5 à 3.
La France rentre dans la Belle Epoque, le Stade Bordelais également, ou plutôt le SBUC – acronyme en forme de lègue de la fusion en 1901 du Stade Bordelais et de L’Université Club — qui de 1899 à 1911 participe à 12 des 13 finales nationales et en remporte 7. Durant le même laps de temps, Le Bouscat sert de théâtre à 5 reprises la remise du Bouclier de Brennus, battant à chaque fois un nouveau record d’affluence. C’est d’ailleurs à Sainte-Germaine, en 1907, que le cap des 10 000 spectateurs est franchi.
En 1913, l’Equipe de France y dispute son premier match en province contre l’Afrique du Sud dont c’est également la première visite en France. C’est une déroute pour le XV tricolore qui s’incline 5 à 38 devant une foule record de 20 000 personnes. Les footballeurs français foulent à leur tour la pelouse de Sainte Germaine en 1922 pour leur première sortie face à l’Espagne (1-4).
En 1920 et 1922, l’enceinte accueille ses deux dernières finales du Championnat de France. Disputées toutes deux devant 20 000 supporters, elles devaient être les dernières grandes rencontres organisées au Bouscat. Bientôt débordé par l’ouverture du Parc Lescure et les nouvelles enceintes municipales ouvertes aux quatre coins de la France, Sainte-Germaine se réserve à l’accueil du Stade Bordelais dont la prédominance est désormais battue en brèche sur ses propres terres girondines par le CA Béglais et le Sport Athlétique Bordelais.
Le Stade Bordelais en péril
Véritable âme du club, le Stade de la Route du Médoc sort ravagé de la Deuxième Guerre Mondiale. L’enceinte a largement été détruite par les troupes d’occupation, ses grandes tribunes latérales ne sont plus qu’un souvenir. Sainte-Germaine n’est guère plus qu’un champ en friche. Les rugbymen bordelais, pourtant encore demi-finaliste du Championnat 1938, plongent bientôt en Deuxième Division, mais parviennent avec des bouts de ficelles à reprendre pied en élite en 1959, puis en 1972.
Alors que de nombreux clubs français de défont de leurs stades au profit des municipalités, le Stade Bordelais, grâce à son président Maurice Hauret, réussit un véritable tour de passe-passe en faisant du SBUC le propriétaire de Sainte-Germaine. Son successeur à la tête du club Jacques Delpeu conclut en 1973 un nouvel arrangement avec la ville de Bordeaux qui permet au club de signer un bail emphytéotique de 99 ans et d’effacer les emprunts souscrits pour l’achat du terrain.
Commence alors l’heure de la reconstruction pour le Stade Bordelais, qui ne s’achèvera qu’a la fin des années 80 grâce à l’appui des différentes collectivités et du soutien des instances sportives nationales. Sainte-Germaine revit, le nouveau siège social est inauguré, tandis que la refonte du stade s’achève avec l’inauguration des tribunes de face le 22 octobre 1989 à l’occasion d’une rencontre entre les Barbarians et les Iles Fidji. Aujourd’hui, Saint Germaine se développe sur 2 terrains d’entrainement, un complexe de 13 cours de tennis et 1 terrain d’honneur de 3 500 places assises.
Le rapprochement béglais
Disparu de l’élite nationale en 1975, le Stade Bordelais la regagne l’année de l’inauguration de ses nouvelles tribunes en 1989. Victime du resserrement de l’élite, on retrouve le club en Pro D2 à l’entame de la saison 2004-2005, tandis que le voisin béglais est relégué administrativement parmi les équipes amateurs. Envisagé depuis les débuts des années 2000, le rapprochement du Stade Bordelais et du CABBG est renforcé par ce chassé-croisé des deux clubs. Le 10 mars 2006, l’officialisation de l’union des deux clubs tombe.
Dans un signe d’apaisement, on choisit un nom à rallonge, ubuesque: l’Union Stade Bordelais Cercle Athlétique Bordeaux-Bègles-Gironde, plus connu sous son petit diminutif d’USBCABBG . Ridicule, mais remplacé un an après par l’Union Bordeaux Bègles. Dans la même veine, il est décidé que les rencontres se disputeront alternativement au Stade Sainte-Germaine, et au Stade André Moga, fief historique du CA Béglais. Pourtant, dès la seconde saison du club passée en Pro D2, l’union se replie sur Bègles qui accueillera l’ensemble des rencontres de l’équipe fanion jusqu’au déménagement définitif de l’Union au Stade Caban Delmas.
Le 15 avril 2007, ils sont 4 303 à assister aux adieux du rugby de haut niveau à Sainte-Germaine. Les Bèglo-Bordelais s’inclinent face à Pau, mais la tristesse est ailleurs. 110 ans d’histoire s’inclinent. Les Bordelais sont déjà nostalgiques. « Il y a une valeur sentimentale, un attachement. On ne peut pas effacer comme ça un siècle de rugby ». « Une institution, quelque chose de sacré. S’il n’y a plus de matches ici, c’est comme un deuil ». Et pourtant, c’en est bel et bien fini du rugby de Sainte Germaine, le rideau est tombé.
Désormais, l’enceinte n’est plus utilisée que par l’unique section football du Stade Bordelais, depuis rejointe par les équipes féminine et réserve des Girondins de Bordeaux.