En défense des phases finales

Chaque année c’est la même chose, une fois arrivée les phases finales, un bataillon sort du bois pour en réclamer leur suppression. Du vent. Et non, ce n’est même pas à cause de l’histoire, de l’ADN ou de la culture du rugby français qui obligerait le Top 14 à les conserver. La surpression des phases finales n’a simplement aucun sens.

En avant les histoires

L’avantage premier, immédiat, des phases finales, celui que tout le monde (re)connait, est de fabriquer des matchs à très haut intérêt et donc à très haute valeur (lisez ici pognon). Commençons donc par l’argent (promis, après j’arrête). Durant la saison 2018-2018, les quelques matchs de phases finales ont dégagé 13.4 millions d’euros de revenus, soit le budget d’un petit club de Top 14. Déjà, une petite manne qui devrait suffire à convaincre quelques indécis.

Des matchs à très haute valeur financière, mais aussi médiatique. Dans le cas du Top 14, les phases finales ont ainsi été l’occasion de créer ex nihilo un événement (les demies finales regroupées sur un même week-end dans un même stade, soit la meilleure idée du rugby français en 20 ans) qui ne pourrait pas exister sans elles. Un événement qui comme la finale dépasse très largement le cadre habituel du championnat. Une mise en lumière médiatique qui, in fine, rejaillit sur l’ensemble des clubs du Top 14, y compris ceux qui ne participent pas aux phases finales.

Enfin, les phases finales permettent de raconter des histoires qui n’existeraient pas sans elles. Des histoires qui seront passées de génération de supporters en génération de supporters et que les clubs et diffuseurs auront à cœur de valoriser.

Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas

Mais ce n’est pas tout, ce n’est même pas ça l’essentiel. Le véritable intérêt des phases finales n’est pas là. Il est avant. Dans la course aux places finales: Les phases finales permettent de donner de l’intérêt (donc de la valeur) à des matchs qui sans elles n’en auraient aucun. Un match de dernière journée entre le sixième et le huitième a ici un intérêt. Sans phases finales, il n’en a plus. Pour quoi vouloir à tout prix vider les stades ?

Une ligue professionnelle doit chercher à réduire autant que possible les matchs sans enjeux. Avec six qualifiés en phases finales, un relégué et un barragiste, ce sont 8 places sur 14 qui conservent un intérêt jusqu’à la fin de saison, assurant que la plupart des clubs aient encore « quelque chose à jouer » jusqu’à la dernière journée. En la matière, le Top 14 peut difficilement faire mieux.

Evidemment, les phases finales sont également une question d’équilibre. Je vous prie donc de remballer vos « lol, et pourquoi pas le dernier en phase finale, tant qu’on y est ? » . On ne s’amuse pas à qualifier toutes les équipes justement pour conserver un intérêt aux matchs de phase régulière. Généralement, dans la plupart des ligues professionnelles, le nombre de qualifiés tourne autour de 40 ou 50%. Avec tels ou tels avantages pour les équipes les mieux classées en phase régulière. Histoire que premier ou dernier qualifié, ce ne soit quand même pas la même.

Oui, mais…

Oui, mais rien du tout.

L’équité peut-être ? Les règles sont connues dès le début du championnat. Tout le monde sait que finir premier ne sacre pas un champion, ni constitue une assurance pour la suite des opérations. Il n’y a pas mal donne. Pas d’injustice. D’autant plus que le premier de phase régulière battu une année par le sixième deviendra à son tour le sixième éliminant premier. Peut-être faudra t-il attendre, 10, 20 ou même 50 ans. Mais, ça arrivera (ok, sauf pour Castres).

La régularité alors ? Non. Sur le bout de bois il n’y pas inscrit « club le plus régulier de la saison », il n’y a même pas écrit « Champion de France » d’ailleurs, mais « club vainqueur du Championnat de France », ce qui est différent. La finale sacre le vainqueur d’une compétition donnée, une compétition qui est libre de  choisir les règles qu’elle entend pour se donner un champion chaque année.

Le Top 14 est une compétition avec ses règles propres que tout le monde connait. La phase régulière est une phase de qualification (certes longue, mais une phase de qualification), suivie d’une phase à élimination. Ce n’est pas différent d’une Coupe du Monde de football et personne ne songerait à faire de la meilleure équipe en phase de poule, le vainqueur de la compétition. Right ? Ce n’est pas différent ici.

Ces arguments pourraient en être si nous avions la certitude qu’une grande partie du public se détourne de la compétition parce qu’elle la trouve « injuste »ou « inéquitable ». Or, ce n’est pas le cas. En l’état, la discussion sur la suppression des phases finales reste un échange entre puristes sur ce que devrait être ou ne devrait pas être la compétition. Rien de plus.

Le non argument du calendrier

Olivier Magne a récemment rejoint la petite troupe des antis. Contrairement à la plupart, il offre au moins un argument à la suppression des phases finales: l’allègement du calendrier

« Je ne suis pas favorable à une réduction de l’élite à douze clubs. Je suis bien conscient qu’il faut réduire le nombre de matches dans la saison et, pour cela, la suppression des phases finales serait une meilleure solution. Récompenser l’équipe la plus régulière tout au long du championnat me paraît une bonne chose. De plus, ça supprimerait les impasses qui font tant de mal à notre image. »

Certes Olivier, mais même si l’on s’accordait sur le besoin impérieux de réduire le nombre de matchs en championnat, pourquoi vouloir supprimer ces rencontres là en particuliers ? Si une entreprise devait réduire sa production, elle ne sacrifierait pas le produit sur lequel elle fait ses plus belles marges et avec la meilleure image de marque. Si l’on doit réellement supprimer des matchs, il y en a d’autres à supprimer avant (protip: ce n’est pas parce qu’on est 14 équipes dans un championnat que l’on doit nécessairement jouer 26 rencontres en phase régulière, et non, pas 13 ou 12 non plus)

Pour la petite histoire, quand Bernard Laporte, était lui-même en pré-campagne électorale, il souhaitait également la mise à mort des phases finales.

L’exception ce n’est pas le rugby

En réalité, la plupart des critiques voient le problème par le prisme du foot où effectivement les phases finales sont rares.

Mais alors pourquoi le foot s’en prive si les phases finales c’est si bien ? Simplement, parce qu’il peut se le permettre. Dans la plupart des pays européens, le football a tant d’avance, quand il n’est pas en situation de quasi monopole, qu’il n’a pas à réfléchir sur son organisation. Il peut se permettre de conserver des modèles de compétition très loin d’être optimaux. Faut-il préciser qu’un championnats dont on connait le nom du champion au mois de mars n’est pas et ne sera jamais un modèle à suivre ?

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard que lorsqu’il a été question d’installer le football professionnel en Australie et aux Etats-Unis, deux pays qui s’y connaissent un tout petit peu dès qu’il s’agit de faire venir du monde au stade et ou le football n’est pas le sport majeur, des phases finales ont été retenues.

Le foot compense également le manque des phases finales en plaçant un intérêt énorme dans les places qualificatives en Europe (surtout en Ligue des Champions) qui font office d’ersatz de places en phases finales. Ca n’a pas d’équivalent dans les autres sports (pas à ce point en tout cas).

Phases finales partout, « vrai champion » nulle part

Ailleurs, les phases finales sont partout. Dans tous les sports majeurs, dans quasiment toutes les ligues professionnelles et quel que soit le sport, les phases finales existent. Traditionnellement, le hockey et le basket européen n’avaient pas de play-offs, la plupart des pays s’y sont mis dans les années 80 sans que personne ne songe aujourd’hui à s’en passer.

On peut multiplier à l’envie les exemples de championnats qui ont rajouté une phase finale à une classique phase régulière, on en trouvera aucun qui a fait l’inverse. Ce n’est pas un hasard. Les phases finales n’offrent que des avantages directs ou indirects. Il n’existe aucune raison réelle pour en demander leur suppression.

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