Le Paris Cricket Club: pionnier du sport français

Avant le cyclisme, le rugby ou le football , le cricket a porté l’espoir le temps d’un ou de deux étés de s’établir comme le premier sport de notre pays. Nous étions sous le Second Empire. Napoléon III régnait, Eugénie et le Prince Impérial assistaient à des matchs de cricket.

Les Britanniques bien sûr

Là où un Anglais s’installe, le cricket ne tarde pas. Cet adage a déjà cours au milieu du XIXème siècle. D’abord dans les Dominions où il fait école, mais aussi en France. A Pau, les Britanniques y jouent probablement dès les années 40 ou 50 sur la Plaine de Billère, la même où ils constitueront le premier parcours de golf du continent en 1856. La Côte d’Opale est également prisée. On joue au cricket à Calais, Dieppe ou Boulogne-sur-Mer.

A cette petite troupe s’ajoute bientôt Paris, dont le Cricket Club est fondé le 1er juillet 1863 sous le patronage de Lord Cowley, ambassadeur britannique à Paris. Rapidement adoubé par la haute société parisienne, le club obtient du Préfet de la Seine un terrain au Bois de Boulogne sur la Pelouse de Madrid.  20 ans plus tard, les premiers footballeurs parisiens y feront également leurs premières armes.

Pour sa première saison, le club parisien ne semble disputer qu’une seule rencontre à Dieppe face à l’équipe locale.

Si l’adhésion au club semble réservée aux membres de la haute société anglaise ou américaine (le Baseball n’est pas encore le national pastime des Américains) et qu’aucun joueur français ne semble avoir joué pour le club, le club met pourtant un point d’honneur à disputer ses rencontres dans les couleur nationales.

Sur la route des tournées

A partir de 1864, les premières équipes anglaises traversent la Manche pour affronter le club. Une équipe de Nottingham amenée par Sir Robert Clifton inaugure les 16 et 17 mai le terrain parisien. Une équipe qui compte 5 joueurs de Première Classe. Bien sûr, les visiteurs l’emportent (un innings et 129 runs) devant de « nombreuses dames ».

Cette première visite est suivie au mois de juin de celle des Warwickshire Knickerbockers. Des équipes milliaires comme celle du 83ème régiment d’infanterie légère font également connaissance avec le cricket à la française.

Il semble que cette même années 1864, une équipe existe aussi à Chantilly. Fin juin, les premiers guichets tombent également à Lyon dans le nouveau Parc de la Tête d’Or, mais le sport n’y obtient qu »un médiocre succès de curiosité ».  Le Courrier de Lyon juge le jeu « monotone, et même un peu assommant », seul le caractère anglais peut s’accommoder d’un tel ennui semble-t-il. L’expérience lyonnaise ne dure pas malgré le soutient du Préfet Vaïsse, le pendant lyonnais du Baron Haussmann.

Qu’est-ce à dire que ceci ?

La presse se fait l’écho de ces rencontres qui se déroulent généralement en semaine et durant deux jours. Reste à cette même presse de présenter ce nouveau et « fort curieux » jeu à ses lecteurs. Pour les y aider, on fait référence à des jeux que la population est susceptible de connaitre comme la paume, le jeu de crosse ou le mail (croquet). Pour l’un de ces chroniqueurs, il s’agit d’une sorte de « billard sur une vaste échelle », pour un autre le cricket s’apparente au « jeu de boule de l’aristocratie ». Nombreux sont ceux qui cherchent à présenter ce nouveau jeu, comme une simple récusée d’un quelconque jeu français.

On parle couramment de jeu. Un chroniqueur parle de « sporting-jeu », notant ainsi la différence de nature avec les jeux anciens ayant cours dans l’Empire, mais se refuse à employer le mot « sport » qui est encore réservé aux courses hippiques (également d’importation anglaise récente). Pourtant,  il s’agit bien de sport dans sa conception moderne et qui est encore la notre aujourd’hui: Une pratique à la fois ludique et athlétique régie par un code de règles particulières. Du sport donc, et ce, pour la première fois en France.

Fait nouveau d’ailleurs, les membres se réunissent pour « s’entraîner » (le mot dans ce contexte est nouveau lui aussi), deux à trois fois par semaine. Une séance « d’entraînage » qui surprend.

La presse satirique, elle raille, pas forcément à tort du reste, ce nouvel épisode de poussée de fièvre anglomane du régime. Les boulistes semblent également mécontents de cette nouvelle mode et font appel au patriotisme des gouvernants pour mettre un terme à cette nouvelle invasion britannique.

Un sport au cœur du Régime

La saison 1865 est sans doute la plus belle du cricket parisien. Les réceptions des équipes anglaises aussi bien civiles que militaires se multiplient  (Butterflies, Corps des Fusillers, Civil Service de l’Amirauté, Régiment Royal de Guernesey…), et se traduisent même occasionnellement par des victoires. Surtout, durant cette année 1865, Édouard Drouyn de Lhuys, ministre des Affaires Etrangères, accepte de devenir le président du club.

 

« Ce beau jeu du cricket qui a , depuis des siècles, un incontestable influence sur l’éducation de la jeunesse anglaise, et contribue à développer en elle des qualités viriles que nous admirons dans la nation Britannique ». Drouyn de Lhuys

Fin juin 1865, à l’occasion de la réception du 73ème régiment de l’armée britannique l’impératrice Eugénie et le Prince Impérial se déplacent, accompagnés de toute la gentry parisienne, sur la Pelouse de Madrid pour assister à l’une de ces parties de ces curieux cricket matches. Pour les remercier, le club offre une « boite de jeu » au jeune Louis-Napoléon Bonaparte.

Eugénie, fan n°1 du cricket dans l’Empire.

A la même époque, Victor Duruy, ministre de l’Instruction Publique, propose d’introduire le jeu dans les Lycées. La presse évoque la création de nouveaux clubs en province, la fameuse Maison Giroux propose à ses clients des articles de cricket. Un temps, on peut penser que l’installation du Cricket dans l’Empire est en bonne voie.

Occasion manquée

Durant l’été 1866, les conditions climatiques  ne  sont pas propices à la venue des équipes anglaises (aucun match n’est reporté dans la presse). En 1867, les cricket matches de la Pelouse de Madrid reprennent, notamment avec la visite fin avril du Marylebone Crcicket Club (le MCC, l’instance mondiale du cricket), suivie deux mois plus tard par la venue du club de Richmond. Au même moment, le Prince Alfred (deuxième fils de la Reine Victoria) devient le président honoraire du club.

En 1868, quelques membres du club disputent une rencontre face à une éphémère équipe constituée à Saint-germain, sur un terrain du champ de manœuvre de la ville. A cette date, selon le président Drouin de Lhuys club compterait 180 membres dont la fine fleure des têtes couronnées séjournant à Paris: Prince Demidoff, Duc de Bassano Marquis de LaTour-Maubourg ou encore le baron Haussmann.

Les dernières années du régime marquent pourtant l’essoufflement du club dont la presse ne parle plus. La défaite de 1870 marque sans doute la fin du cricket à Paris et en France. Les battes sont remisées durant une dizaine d’année. Il est mention d’un club à Dieppe en 1880, puis la création d’une  équipe à Chantilly en 1883 dans la vague nouvelle des sport athlétiques. Cette vague permettra au noble jeu du cricket de s’installer de manière pérenne en France, mais dans l’ombre du football ou du rugby.


Source : Retronews

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