Un stade oublié: Le Stade Chapou

En 1938, Toulouse accueille deux matchs de la Coupe du Monde. Mais pas au Stadium Municipal, dont les travaux viennent à peine de commencer, mais au Parc des Sports, ou Stade Chapou, terrain historique du TOEC, l’ancien grand rival du Stade Toulousain.

Le TOEC

Le rugby toulousain du début des années 1900 est bouillonnant. Dans la foulée du Stade Olympien des Etudiants de Toulouse (futur Stade Toulousain), finaliste du championnat de France 1903, une ribambelle de petits clubs se crée aux quatre coins de la ville (Standard Club, Olympique Club, Club Athlétique, Vélo Sport,…)

Naissance du TPEC (1912)

Parmi eux, le Sporting Club Toulousain, un anonyme parmi d’autre, qui loue un terrain équipé d’une tribune et situé allée de Brienne. Le terrain est installé dans le quartier des Ponts-Jumeaux, à deux pas des installations du Stade Toulousain. Le terrain ne prendra le nom de Stade Chapou que dans les années 40, pour l’heure, on parle de Parc des Sports.

Le Sporting est encore un club bien modeste. En 1910, il s’incline 100 points à zéro contre leur rival des Ponts-Jumeaux. Un nouveau record pour l’époque.

Cette même année 1910, le Sporting devient Toulouse Olympique. Les résultats s’améliorent rapidement et en 1912, le club décroche le titre de champion France de 2e série. Suite à ce premier titre, le club fusionne avec le Toulouse Employés Club pour former le Toulouse Olympique Employés Club (TOEC) avec l’ambition d ‘offrir au Stade Toulousain un concurrent de poids. Le nouveau club débute allée de Brienne le 21 septembre 1912 dans une rencontre contre une sélection de la Côte Basque.

Comme il est de coutume, le TOEC est un club omnisports. Aux côtés du rugby, la section natation  (actuel Dauphins du TOEC) s’impose comme l’autre section phare du club, notamment parce qu’elle dispose au Parc des Sports de la première piscine de la ville.

Le Parc des Sports du temps du Toulouse Olympique. Le nom du nouveau club a été tamponné.

Les Amis des Sports Toulousains

Mis en sommeil durant la Grande Guerre, le TOEC renaît en 1919 et reprend possession du Parc des Sports. Dès lors, le TOEC s’installe en première division aux cotés du Stade Toulousain. Dès 1921, un premier match de sélection est organisé au Parc des Sports du TOEC.

En 1922, la société immobilière « Les Amis des Sports Toulousains » est fondée et fait l’acquisition du Parc des Sports. Elle en aménage le terrain, construit de nouvelles tribunes. Le stade y gagne également un fronton de pelote basque et des courts de tennis. La société y fait même disputer des concours hippiques. Le TOEC en reste le principal locataire.

On peut difficilement faire plus proche.

Si le TOEC dispose d’un des plus beaux terrains de la région, il n’y brille pas particulièrement. Les violets et blancs tentent de lutter avec de jeunes joueurs issus du club. Les comptes sont rarement à l’équilibre. En 1932, le club fusionne avec un autre club toulousain pour donner vie à un éphémère Olympique de Toulouse qui ne dure qu’une saison avant que le TOEC ne retrouve son nom, tout en conservant les couleurs vertes et blanche du feu Olympique.

En 1930, ‘Les Amis du Sport’ propose la location du stade à Fédération Française de Rugby (FFR) afin d’en faire un « stade fédéral » à destination du TOEC, mais aussi de tous les clubs du Comité et de la fédération. Un bail de 10 est signé avec la fédération. En janvier 1931, l’équipe de France B y dispute une rencontre contre le Cardiff RFC. Un match entre sélections française et du sud-ouest suit en fin d’année.

A la suite de cet accord, Charles Mortera, ancien joueur et désormais président du TOEC, profite de sa fortune personnelle pour racheter les parts de la société Amis des Sports et devenir seul propriétaire du Parc des Sports.

La Coupe du Monde 1938

Peu avant l’ouverture de la Coupe du Monde 1938, le terrain du TEOC accueille ses premières rencontres de football à l’occasion en 1937 d’une tournée du FC Sète contre Badalone et Cannes. Un succès populaire qui fait office de test réussi pour l’implantation du football professionnel dans la Ville Rose. Ainsi le 20 mars 1937, le Toulouse FC est fondé. Admis en deuxième division, le club sous loue le Parc des Sports à Charles Mortera. En 1949, le TFC quittera les Ponts-Jumeaux pour le Stadium enfin achevé après plus de 10 ans de travaux.

En janvier 1938, La ville et le Parc des Sports sont retenus pour participer à la prochaine Coupe du Monde de football. Le stade est agrandi pour l’occasion, et sa capacité passe à 20 000 places. Toulouse est d’abord choisi pour accueillir le match éliminatoire entre la Pologne et le Brésil, mais à la demande de ces derniers qui trouvent le terrain du TOEC trop étroit et trop dur, la ville doit se contenter d’un bien moins alléchante Roumanie-Cuba.

Après un premier match conclu sur un score nul (3-3) devant 6 500 spectateurs le 5 juin 1938, , les Cubains se débarrassent 4 jours plus tard (2-1) de leurs adversaires en présence de 7 600 spectateurs payants (le prix des places avait été diminué de moitié entre les deux matchs). Les deux rencontres laissent une recette de 170 000 francs, c’est moins que partout ailleurs durant cette coupe du monde.

Roumanie-Cuba à Toulouse

Rugby, football et néo-rugby

Si pendant quelques mois, la cohabitation au Parc des Sports entre footballeurs (TFC), et rugbymen (TOEC) se passe bien, une crise surgit en février 1939. Pour une sombre question d’argent, le TFC demande la démission d’un dirigeant du TOEC. Ce dernier s’y refuse, un vote a lieu, la moitié du bureau boycotte le vote. Cette décision signe l’arrêt de mort du club toeciste.

Les mécontents de la décision fondent dans la foulée un nouveau club: le Toulouse  Ouvriers Etudiants Club. Initiales: TOEC, bien sûr. La FFR refuse la nouvelle appellation. En août, ce nouveau TOEC passe avec joueurs et dirigeants sous le pavillon du Stade Toulousain. Il ne reste rien du TOEC, mis en sommeil, si ce n’est sa section natation.

Sans club à faire jouer sur sa pelouse, Charles Mortera obtient de la FFR la résiliation du bal qui les lit. Désormais libre de faire ce qu’il entend de son stade, Mortera le propose à la Ligue Française de Rugby à XIII qui le 21 mai 1939 y fait disputer la finale de la Coupe de France entre le XIII Catalan et le Toulouse Olympique. Plus de 15 000 supporters assistent à cette première treiziste conclue sur la défaite des locaux (3-7). Ce stade est une véritable une aubaine pour le néo rugby dont l’accès aux terrains est un problème critique. La recette est de 1350 000 francs, presque autant que les deux matchs de Coupe du Monde qui s’y sont disputés l’année précédente.

Après cette première réussie, les treizistes toulousains annoncent leur déménagement des Minimes (Stade Arnauné) vers les Ponts-Jumeaux et le désormais ancien terrain du TOEC. Un terrain dont le club ne profitera guère, puisque en 1940, le rugby à XIII est interdit, et la Ligue dissoute un an plus tard.

Après guerre, le rugby XIII réinstallé dans le sport français, le terrain du TOEC accueillera à nouveau la finale de la Coupe Lord Derby (1946 et 1948) ainsi que deux finales du Championnat de France de Rugby à XIII en 1951 et 1952. Chapou assistera lors au couronnement successif de Lyon-Villeurbanne devant 21 933 spectateurs, puis de Carcassonne en présence de 16 645 supporters.

Finale de la Coupe de France de rugby à XIII 1946

La cité universitaire Chapou.

Durant l’Occupation, le Stade est baptisé un temps du nom du Général Huntziger. Mais ce n’est qu’à la Libération, que l’enceinte prend – enfin – le nom de Jacques Chapou, héros de la résistance dans le lot.

Entre temps,  le TOEC avait été reformé en 1942 et été reparti en championnat dans son ancien Parc des Sports. Les rugbymen du TOEC remportent leur premier et seul titre senior avec la victoire en Coupe de France 1944. S’il ne peut prétendre à la gloire qui entoure le Stade Toulousain, le TOEC s’impose de nouveau à partir du début des années 50 comme un des piliers de la Première Division ainsi qu’un habitué des phases finales. Pour autant, le TOEC ne dépasse pas les 8es de finale.

En 1964, le sort s’abat pourtant sur le club. Le TOEC est contraint d’abandonner son vieux stade réquisitionné par l’Education Nationale qui souhaite y construire une Cité Universitaire. Les tribunes sont vendues à la municipalité pour une bouchée de pain (100 000 francs)

Le TOEC en 1961 à Chapou – Archives Toulouse

Si le club trouve refuge sur le terrain des treizistes aux Minimes, la perte de Chapou entame la lente perdition du club. En 1969, le TOEC participe pour la dernière fois aux phases finales, puis, le club est relégué en Deuxième Division en 1971. En dépit de tout l’effort du président Georges Aybram, le club doit patienter jusqu’en 1984 pour disposer à nouveau de son propre stade construit notamment grâce au prix de la revente de Chapou et à un emprunt pris en son nom propre par Georges Aybram.

Trop tard,  le TOEC ne reverra plus jamais le rugby de haut niveau.

 


Note: Aujourd’hui, le TOEC n’existe plus. En 2000, le club a fusionné avec le FC Toulousain et la section rugby du TOAC sous le nom du FCTT. L’équipe première évolue en Fédérale au nouveau Parc des Sports du TOEC, un stade qui porte depuis 2009 le nom de Georges Aybram et dont le club a d’ailleurs failli être récemment exproprié.

 


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Comments

  1. Le 5 Janvier 1947, ce stade accueilli également le 32ème de finale de la coupe de France de football 1946/1947 opposant l’Olympique de Marseille à l’Arago Sport Orléanais. Score final 3 à 1 pour Marseille.

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