L’histoire du rugby albigeois à travers ses stades

Naissance du Sporting

C’est en 1895 que débute l’histoire du ballon ovale sur les bords du Tarn. Une quarantaine de jeunes lycéens se retrouvent chaque mercredi au champ de manœuvre de la Barthe situé sur la commune du Séquestre pour des entertainments sous les ordres du professeur de gymnastique. Ces jeunes gens font leur première sortie en 1897 à Castres contre le collège de la ville. L’année suivante, le match retour se déroule sur le champ de manoeuvre albigeois. C’est le premier match disputé à Albi.

Les « Coquelicots » du Lycée sont rejoints en 1901 par le Stade Albigeois tout de blanc vêtu et qui devient le premier club civil de la cité à s’adonner au football-rugby. Le nombre d’équipes se multiplie sur le terrain du Séquestre, ce qui n’est pas sans poser de nombreux problèmes pour les propriétaires des champs environnant, traversés sans vergogne par les apprentis rugbymen.

Les spectateurs sont encore rares, le terrain est éloigné de la ville. Un service de voiture déversant le champ est crée à initiative du Stade Albigeois les jours de match.

En 1907, le Stade Albigeois devient Sporting Club et s’ouvre a de nouveaux sports : football, gymnastique, cyclisme… L’année suivante, le terrain de manœuvre est abandonné pour un terrain plus proche du centre ville, situé route de Toulouse près de la caserne de la gendarmerie : le « Sporting Park » . Le confort s’améliore pour le public avec l’apparition de chaises !

Le Sporting Park ne vivra que 4 ans. Dès 1912, le Sporting le quitte pour un nouveau terrain situé route de Castres (actuelle avenue Gambetta) et inauguré le 13 octobre. 2 000 personnes assistent à la première face au Sporting Club de Mazamétain, champion du tarn en titre.

L’équipe du Sporting en 1922

Un stade, un vrai, enfin

Les années d’après guerre sont celles du décollage des Jaune et Noir. En 1921, un nouveau terrain, un véritable stade cette foi-ci avec tribune est construit. Le 2 octobre, en présence notamment d’Octave Léry, président de la FFR, la nouvelle cathédrale albigeoise ouvre sur une victoire de l’AS Béziers sur les joueurs locaux (5-3). Un Monument aux Morts est également inauguré par la même occasion.

On baptise le stade du nom de Maurice Rigaud, albigeois de naissance et ancien joueur du Sporting, monté à Paris pour poursuivre sa carrière d’avocat et devenu vice-président de la Fédération Française de Rugby.

Grâce à l’action de l’association « les Amis du Sporting »,  le Stade Maurice Rigaud gagne rapidement des vestiaires, de nouveaux gradins, des courts de tennis… Une piste en cendrée complétera les installations en 1932.

En 1926, le club remporte son premier titre majeur en triomphant du Stade Toulousain, champion de France en titre, en finale du championnat des Pyrénées (11 à 8).

Maurice Metgé

Les années 20 sont heureuses pour le rugby français. Les petits clubs de copains ou de quartier se multiplient à Albi comme ailleurs. Ici, ils ont pour nom: Tockey Club, Stade Albigeois, Club Sportif, Arlequins… Régulièrement, le Sporting cède ses installations gratuitement ou pour un prix dérisoire. Il n’y à pas d’autres terrains à Albi de toute manière, si ce n’est le vieux champ de manoeuvre toujours utilisé.

L’Union Sportive Albigeoise fondée en 1925 est l’un de ces petits clubs. Le 29 octobre 1933, son secrétaire général Maurice Metgé convie la grande vedette du demi fond français Jules Ladoumègue à courir à Maurice Rigaud pour le profit d’une caisse de chômage. Malgré le temps mauvais, le public répond présent.

Fort bien, sauf que non. Grand problème. Ladoumègue est depuis 1932 – et une décision de la Fédération Française d’Athlétisme – un impur aux yeux des responsable sportifs de l’époque… un « professionnel ». Metgé en le faisant venir à Albi brave les interdits. La réaction ne tarde pas, il est radié de la fédération d’athlétisme avec extension aux autres grandes fédérations sportives (dont celle de rugby)

Le Racing Club Albigeois

Le Stade Lagrèze à l’occasion de la venue de Salford (1934)

1934 est la grande année des débuts treizistes en France. Maurice Metgé va y apporter sa pierre. Dès le début de l’année, il était rentré en contact avec Jean Galia, le grand promoteur de ce nouveau jeu en France.

Comme partout en France, les installations quinzistes sont interdites au néo-rugby. La Racing aura son propre stade autant par nécessité que par choix. Un premier match treiziste est envisagé lors la tournée du Yorkshire au mois de mai. Metgé croit pouvoir disposer d’un ancien terrain situé route de Castre en très mauvais état et sans tribune. Il se chargera de transformer ce terrain en stade rugby.

Alors qu’un accord est conclu avec le propriétaire, celui-ci se désiste au dernier moment de peur que ses vaches qui ont l’habitude d’y paître y avalent des clous et en meurent…

Malgré ce contre-temps animalier, une petite troupe se réunit début juillet à initiative de Metgé pour créer le Racing Club Albigeois. A défaut du terrain route de Castres, le nouveau club jette son dévolu sur un terrain situé rue des chalets à qui l’on donnera le nom d’Emile Lagrèze, principal maître d’oeuvre de l’enceinte.

Quand débute le championnat 1934-1935, le terrain de la rue des chalets n’est pas encore tout à fait terminé, ce qui n’empêche pas le club d’y accueillir le XIII Catalan le 14 octobre 1934 pour sa première sortie officielle. Une première assez décevante d’ailleurs jouée devant à peine 1 300 spectateurs et une recette de 6 000 francs.

Racing contre Australie (1938)

Deux semaines plus tard, le 1er novembre, le panorama est tout autre pour la venue de Salford. Le stade treiziste est fin prêt. Les barrières sont peintes en bleu et blanc aux couleurs du club. la tribune est en place. Les places varient de 4 à 15 francs, le stade est plein, la recette exceptionnelle (24 000 Francs). Malgré la défaite des locaux 5-44, le XIII est bel et bien lancé à Albi.

Dans ces années 30 pendant lesquelles, le rugby à XIII semble inarrêtable et qui voient le Racing remporter son premier titre national en 1938, un événement tout particuliers marque l’histoire du sport local: la première rencontre internationale disputée à Albi. Le 10 janvier 1938, les Kangaroos australiens se rendent à Emile Lagrèze pour y affronter le Racing. La rencontre emporte tous les records de spectateurs (6 000) et de recette (30 000 francs) de la ville.

Albi Olympique

Vichy. Dès septembre 1940 et sous l’impulsion du préfet du Tarn, Jean Cheigneau, lui même ancien rugbyman, Racing et Sporting fusionnent sous le nom d’Albi Olympique. Le Dr Bonpunt, président du Racing, en prend la tête. Au programme: amateurisme intégral, rugby à quinze pour les seniors et rugby des deux obédiences pour les juniors. Comme ailleurs en France, même chez les juniors, un seul code sera permis..

Un club unique, mais plus de terrain. Que ce soit au Stade Emile Lagrèze ou Maurice Rigaud, les terrains ont servi pour entreposer matériel et véhicules militaires. Le stade de la rue des Chalets est le premier en fonction, mais il est assez endommagé et ne dispose plus de pelouse. Le Stade Maurice Rigaud rouvre peu après et accueillera l’Albi Olympique jusqu’à la Libération.

A la libération, le comité d’Albi Olympique décide le 21 septembre 1944 de passer à XIII, puis de reprendre le nom du Racing Club Albigeois. Bonus non négligeable, les treizistes prennent la main sur Maurice Rigaud. Sur les bords du Tarn, le code perdant de la période 40-44 n’est pas forcément celui auquel on pense habituellement…

Ceux désireux de conserver la pratique orthodoxe décident en 1945 la (re)naissance du Sporting qui doit repartir de zéro ou presque. La subvention municipale est moité inférieure à celle de la maison d’en face. Les temps sont durs pour les Quinze en Albigeois.

Maurice Rigaud dans les années 50

Entre XIII et XV

Le XV albigeois ne rend pas les armes pour autant et retrouve le Championnat d’Excellence en 1949. La première division, c’est une chose, mais en face, le Racing obtient trois nouveaux titres nationaux en 1956, 1958, 1962. Même si les affluences quinzistes restent honorables – entre 2000 et 3000 supporters assistent au match du Sporting au début des années 60 – le cœur de Maurice Rigaud bat sans doute un peu plus fort lorsque 13 Albigeois se retrouvent sur le terrain,

En 1959, l’équipe nationale australienne treiziste est de retour dans le Tarn, Près de 6 000 spectateurs assistent le 27 décembre à l’incroyable victoire du RC Albi sur les Kangaroos 19 à 10. C’est le dernier grand match international disputé à Maurice Rigaud.

Contrairement à d’autres villes en France, les relations entre les croyants des deux cultes se passent raisonnablement bien. Il n’est pas rare de voir les joueurs des deux clubs célébrer ensemble leur victoire respective en ville.

Le Stadium Municipal

Le Stadium d’Albi en 1969

En 1962, la ville d’Albi met en chantier la construction du Stadium Municipal. L’enceinte ouvre ses portes le 14 février 1964. Comme 40 ans plus tôt à Maurice Rigaud, c’est l’AS Béziers qui vient inaugurer le nouveau stade albigeois (avec à la clé une nouvelle victoire des Biterrois).

Au cours des années 60 et 70, le Sporting devient le club résident du Stadium. Le point de bascule entre les deux codes en Albigeois est peut-être là. Le Racing reste fidèle à Rigaud, avant de se re retrancher au Stade Mazicou, construit également dans les années 60, mais d’une taille bien plus modeste que le Stadium.

Même si bascule il y’à bien, cela n’empêche pas Albi de rester un fief treiziste. En 1977, la finale du Championnat est rapatrié à la dernière minute de Toulouse, dont le Stadium est inondé, vers la préfecture du Tarn. 18 325 spectateur se pressent au Stadium pour assister au 5ème et dernier sacre des Albigeois face à Carcassonne (19-10). On a jamais vu autant de monde au Stadium depuis, ni pour une finale du Championnat non plus.

Depuis, 4 finales de Coupe Lord Derby, ainsi que 3 finales de Championnat se sont disputées dans l’enceinte albigeoise, mais bien loin de l’effervescence de l’édition 1977. Le Stadium de la ville est également devenu une halte obligée pour le XIII de France qui y a notamment corrigé (50-6) les Sud-Africains lors de la Coupe du Monde 2000 devant près de 8 000 spectateurs.

Laissé en l’état durant 40 ans, le Stadium ne connaîtra de réels aménagements qu’au milieu des années 2000 pour accompagner le passage au professionnalisme du rugby à XV et du Sporting en particuliers. Aménagement de la tribune d’honneur, constructions d’une nouvelle tribune de face, éclairage, vestiaires… Désormais, le Stadium est en mesure d’accueillir 15 500 spectateurs, dont 8 100 assis.

 


Note (1) :  Maurice Rigaud finira dans l’escarcelle des footballeurs de l’US Albi. En 2010, l’ancienne tribune en bois, l’une des plus vielles de France qui datait de l’inauguration du stade en 1921, a été rasée pour laisser place à une construction moderne de 1000 places.


Source (1) : Un siècle et + de Rugby en Albi
Source (2) : Le Rugby à XIII, Pierre Bonnery

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Comments

  1. J’ai assisté à la victoire d’Albi sur les kangourous en 1959 . Quel match j’ai plein de souvenirs de cette période .

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