L’idée d’un « stade couvert » pour accueillir des rencontres sportives n’a pas toujours eu l’évidence qu’elle a aujourd’hui. Le Stade Pierre de Coubertin a constitué une petite révolution à son ouverture en 1937 et a préfiguré les Palais des Sports qui fleuriront en France dans les décennies suivantes.
L’idée d’un Palais des Sports
Avant le Stade Pierre de Coubertin, les installations sportives couvertes sont encore rarissimes. A Paris, spectateurs et sportifs peuvent compter sur le Vélodrome d’Hiver qui existe depuis la fin du XIXe sous différentes formes et dans différents lieux. Mais le Vél d’Hiv reste un vélodrome surplombé d’une lourde charpente. Il peut faire l’appoint pour des combats de boxe par exemple, mais guère plus. Il existe également quelques petits gymnases couverts comme le Gymnase Jean Jaurès ouvert en 1888, mais on y pratique surtout la gymnastique. En province, quelques anciens halls d’exposition comme la Plais de la Houille Blanche à Grenoble peuvent également accueillir des rencontres de basket. et c’est à peu près tout. A cette époque, le sport se pratique et se regarde en extérieur.
L’idée d’un « stade couvert » qui pourrait accueillir toutes sortes de sports en intérieur fait néanmoins son chemin, notamment influencée par les exemples qui commencent à fleurir aux Etats-Unis, en Allemagne ou en Angleterre. Nombreux sont ceux qui ont leur propre idée sur ce que devrait être un stade couvert. Par exemple, le Bordelais Raoul Jourde (futur architecte du Parc Lescure) qui imagine un stade de 30 000 places pour la capitale.
En 1930, Jeff Dickson, promoteur américain de combats de boxe installé à Paris, se rapproche du Cirque de Paris, dont on annonce la démolition. Il souhaite déménager le Cirque et faire construire une arène couverte de 10 000 places pour l’y installer. Le « Stadium-Cirque de Paris » que Dickson souhaite réaliser du côté de la Porte de Champerret doit rivaliser avec le Madison Square Garden de New-York. Le projet n’aboutit pas, mais Dickson rebondit du côté du Vél d’Hiv de la Rue Grenelle qu’il aménage en 1931 pour la pratique du hockey sur glace et à qui il donne le nom de ‘Palais des Sports’.
Jean Borotra monte au filet
L’idée d’un stade couvert réellement omnisports rebondit au Tennis Club de Paris qui dispose depuis 1895 de ses propres installations couvertes. Ces courts situés Boulevard Exelmans à la Porte d’Auteuil ne sont pas vraiment propices à l’accueil du public. Son président depuis 1931, Jean Borotra, ne peut que le regretter: « Paris ne possède pas de stade couvert où quelques milliers de spectateurs pourraient aussi confortablement qu’à Roland Garros assister à des rencontres durant l’hiver. »
En mars 1936, l’ancien Mousquetaire présente au Ministre de la Santé Publique et de l’Education Physique Louis Nicolle un projet de stade couvert à la Porte de Saint-Cloud qui serait ouvert à autant de sports que possible: le tennis bien sûr, mais aussi la boxe, le basket, la gymnastique ou l’escrime. Ce stade comprendrait une salle principale de 5 000 places éclairée par 24 lampes et deux salles annexes. Un laboratoire médical et une salle de cinéma pour l’enseignement de la pratique des sports compléteraient les installations.
« Nous désirons construire à Paris un stade couvert multisports destiné à faire comprendre au public les beautés de tous les sports et exercises physiques » Jean Borotra
La réalisation du Stade est confiée aux différentes fédérations sportives et réalisée sous le patronage du gouvernement et de la ville de Paris dans un modèle qui ressemble assez à celui mis en place lors de la construction du premier Parc Lescure
Si l’idée d’un stade couvert a fait du chemin depuis les années 20, le projet se heurte pourtant à une partie de la presse et à la gauche parisienne. Il est vrai que l’addition : Tennis + Jean Borotra + 16e arrondissement ne lui apporte guère de voix. Elus socialistes et communistes de Paris voteront d’ailleurs contre les rallonges de crédit du futur Stade Pierre de Coubertin (les six millions de francs initialement prévus ayant quadruplés entre temps).
Malgré tout, Borotra et ses soutiens souhaitent inaugurer le stade en temps et en heure pour l’Exposition Universelle prévue pour la deuxième moitié de l’année 1937
Une première victoire
Sous la direction de l’architecte en chef de la ville de Paris Edouard Crevel aidé des architectes Carré et Schilienger, les travaux débutent à la fin de l’année 1936 à un rythme rapide. Fin août 1937, Leo Lagrange, Sous-secrétaire d’Etat aux Sports et aux Loisirs, peut inaugurer le nouveau complexe sportif.
Les sportifs y font leur premiers pas à l’été, tandis que s’avance la première compétition officielle: la Coupe des Nations de basketball disputée dans le cadre de l’Exposition Universelle. Le Stade Pierre de Coubertin n’est pas encore terminé, mais qu’importe, les matchs se jouent dans la salle annexe. La France y triomphe de la Lettonie (25-24) en finale. Même si ce n’est pas une compétition majeure, même si elle n’a pas pu se dérouler dans la salle principale, cette victoire est la première d’une équipe de France dans ce futur temple du sport national.
Le 21 janvier 1938, la salle est officiellement présentée à la presse par la ville. Un aréopage fort nombreux est présent. On y trouve René Faillot, président conseil municipal, le préfet Achille Villay et de nombreux conseillés municipaux qui, tous, se félicitent « de doter la capitale d’un grand stade couvert permettant de donner aux sports de salle tout l’éclat qu’elles méritent ».
Un Conseil d’Administration composé de 44 membres comprenant des représentants du monde politique, de journalistes sportifs et de dirigeants de fédérations, est formé pour gérer le centre sportif. Son président Armand Massard propose de donner le nom de Pierre de Coubertin au stade couvert.
Début 1938, le Stade Pierre de Coubertin est enfin achevé. le court central ouvre à son tour en février à l’occasion de la finale Coupe du Roi de Suède de tennis* entre la France et la Suède en la notable présence de Roi de Suède Gustave V et d’Albert Lebrun, Président de la République.
Coubertin 1.5
La Guerre et l’Occupation n’empêchent pas Coubertin de continuer son oeuvre. Le basket parisien en reste un habitué, des championnats de toute sorte et de tout sport s’y déroulent, le handball (à sept) y fait ses débuts français au début de l’année 1943, etc.
En septembre 1943, les bombardements qui visent les usines Renault voisines atteignent cependant le Stade de la Porte de Saint-Cloud. L’enceinte est éventrée, inutilisable. A la Libération, il faut attendre quelques travaux de première urgence pour une réouverture partielle du stade en octobre 1945. Les nombreux clubs parisiens de basket retrouvent le chemin de la Porte Saint-Cloud.
La reconstruction de l’ensemble tarde néanmoins. Au printemps 1947, Jean Borotra, à presque 50 ans, met en place une tournée aux Amériques avec Jacques Brugnon et Marcel Bernard afin de récolter des fonds pour aider à la reconstruction de « son » stade.
Il faut cependant encore patienter quatre longues années pour que Coubertin soit de nouveau entièrement opérationnel. La salle principale reconstruite presque à l’identique (seule la verrière reçoit quelques momification) ouvre de nouveau à l’automne 1951. Pour sa première compétition majeure depuis la Guerre, Coubertin accueille à la fin septembre le championnat d’Europe de volleyball où triomphent les Soviétiques devant 5 000 spectateurs.
Tennis, basket, volley. Bientôt escrime, judo, tennis de table, badminton, karaté… Coubertin annonce le Palais des Sports qui fera école dans toute la France à partir des années 60.
*sorte de Coupe Davis européenne qui n’existe plus aujourd’hui