Histoire des stades à Grenoble : entre football et rugby

Stade Lesdiguières, Stades Charles Berty, Stade des Alpes. Trois stades qui se sont tout à tour partagées entre football et rugby.


Le Stade Lesdiguières

Grenoble voit apparaître une première équipe de football-rugby dès 1892 au sein du Lycée Champolion. A ces précurseurs de l’Association Athlétique du Lycée succèdent bientôt le Club Sportif Grenoblois en 1896, le Stade Grenoblois en 1897, puis l’Union Athlétique Grenobloise en 1906.

De ce premier panorama du sport grenoblois, le Club Sportif surnage. Dès le de but du XXe siècle, le club s’installe sur un terrain à l’hombre de l’Hôtel Lesdiguières. Rapidement le nouveau Parc des Sports prend également par habitude le nom du duc de Lesdiguières, figure marquante de l’histoire grenobloise du XVIe siècle et dernier Connétable de France en 1622. En 1903, Lesdiguières se transforme pour quelques années en stade vélodrome. C’est alors le premier de la ville.

Pour éviter la dispersion des forces grenobloises, Jean Coin, président du Comité des Alpes de l’UFSA, se fait le promoteur de l’union des différents clubs de la ville. C’est de cette idée que naît en 1911 le Football Club de Grenoble qui récupère les installations du Club Sportif Grenoblois à Lesdiguières.

Il ne faut pas s’y tromper, ici, Football signifie bel et bien football-rugby. Le football-association existe bien au sein du FCG (l’équipe est championne des Alpes en 1912), mais passe au second plan derrière les rugbymen.

Au terme de la Grande Guerre, le FCG s’impose dans la vie grenobloise, de nombreuses personnes du monde industriel le rejoignent, ce qui permet au club de mener à bien l’aménagement de Lesdiguières. Deux tribunes de 3 500 places sont crées, ainsi qu’une piste cendrée entourant la pelouse et des gradins entourant l’ensemble. Dans sa nouvelle configuration, le stade est inauguré le 11 septembre 1921.

Lesdiguières en 1922. La tribune est toujours debout un siècle plus tard.

A Lesdiguières, le FC Grenoble connait des affluences exceptionnelles pour l’époque. Jusqu’à 10 000 spectateurs se retrouvent au Parc des Sports de Lesdiguières pour les réceptions des équipes parisiennes, Stade Français et Racing en tête.

Le Stade Charles Berty

Alors que le FCG s’installe durablement à Lesdiguières, la ville décide au cœur des années 30 d’aménager un vaste stade vélodrome municipal au sein du Parc Paul Mistral.

La nouvelle enceinte est inaugurée le 14 juillet 1936 à l’occasion de l’arrivée de la 7e étape du Tour de France. Le stade est rempli d’une foule enthousiaste de 12 000 curieux venus assister à cette première. A l’issue de la Seconde Guerre Mondiale, le « Stade du Parc Paul Mistral », sera baptisé du nom du grand champion cycliste grenoblois Charles Berty, figure de la résistance et mort en déportation en 1944.

Le cyclisme aussi a connu de belles heures à Charles Berty

Si le stade accueille bien quelques épreuves cyclistes, notamment de nouvelles étapes du Tour de France ou du Dauphiné Libéré, Charles Berty devient rapidement synonyme de football. Ce sport qui n’avait jamais réellement décollé dans la capitale du Dauphine profite de cette nouvelle enceinte pour se développer à l’abri de l’ombre tutélaire du rugby.

Dès 1942, le football s’essaie à une première aventure professionnelle, mise à mal par la réforme des championnats professionnels qui supprime dès l’année suivante les équipes de club au profit d’équipes régionales.

A la libération, les footballeurs du FCG s’y essaient une seconde fois. Mais la aussi, sans suite. Il faut toute la persévérance de  Pierre Behr* qui restera à la tête du club pendant 25 ans (1947-1972) pour enfin ancrer le football grenoblois au plus haut niveau. Le FCG retrouve le monde professionnel en 1951. Un statut que le club conserve pendant presque 20 ans et qu’il ponctuera par deux cours passages en première division.

Le Stade Charles Berty connait d’ailleurs sa plus belle affluence à l’occasion d’un match de D1. 22 334 grenoblois assistent à  la réception du grand Stade de Reims le 11 novembre 1960.

Un Brennus au pied des Alpes

Les années fastes du football grenoblois sont également celles du rugby. Après un cours passage en deuxième division à la Libération, le club décroche son unique bouclier de Brennus en 1954 en se défaisant en finale de Cognac sur le score de 5 à 3. Grenoble désormais compte dans le panorama du rugby français. Le 10 avril 1955, l’équipe de France fait ses premiers pas à Grenoble (au Stade Charles Berty) face à l’Italie (24-0). Elle y retournera en 1963 pour une nouvelle victoire face au même concurrent (14-12).

Fastes pour le rugby grenoblois les Trente Glorieuses s’achèvent sur une demi-finale du championnat en 1970, chant du cygne d’un rugby qui ne devait retrouver le plus haut niveau qu’au début des années 90, notamment grâce à l’arrivée aux commandes de l’équipe première de Jacques Fouroux en 1992. En 1993, le club atteint la finale du championnat, et devient un habitué des phases finales tout au long des années 90.

Ce retour au plus haut niveau s’inscrit dans la désignation de Lesdiguières comme hôte d’une rencontre de la Coupe du Monde 1991 entre la France et les Fijis. Pour faire honneur à la compétition, Lesdiguières s’équipe d’une nouvelle tribune d’honneur de 7 000 places (actuelle Tribune Jean Liénard). 26 MF sont dépensés dans cette nouvelle tribune ainsi qu’à divers aménagements. Le 8 octobre 1991, ils sont 18 548 à assister à la victoire française sur les représentants du Pacifique. Le XV de France évoluera une dernière fois à Lesdiguières en mars 1997 face à l’Italie en test-match.

L’heure de la cohabitation

Un test match à Lesdiguières, et non pas Charles Berty comme les précédents. En cette fin de siècle, le vélodrome grenoblois n’est en effet plus apte à accueillir une rencontre internationale. Il n’est d’ailleurs plus apte à accueillir grand chose. Que trop vaguement entretenu par la municipalité grenobloise, c’est tout le stade qui croule sous le poids de l’âge. Les fissures sont nombreuses, et on peut même apercevoir l’armature métallique dans le béton de la piste.

A l’issue de la saison 2000-2001, le football grenoblois que l’on connait désormais sous le nom de Grenoble Foot 38 retrouve  la deuxième division, 10 ans après son dernier séjour. C’en est trop pour l’ancien vélodrome qui doit donner le relais à Lesdiguières que l’on met en conformité avec les normes de la Ligue de Football (rénovation de la toiture et installation de la vidéosurveillance en 2003, aménagement et rénovation des tribunes en 2004, etc.)

60 ans après leurs adieux, footballeurs et rugbymen se retrouvent ainsi à partager de nouveau la même enceinte. La cohabitation ne se fait pas sans heurs, le FCG n’ayant de cesse de se lamenter des différents problèmes imputables à un tel partage (logistique, régie publicitaire, état de la pelouse…). Durant cette cohabitation, le FCG chutera en Fédérale 1 en 2005.

Cette cohabitation devait être courte, elle durera en réalité près de 7 saisons. En cause: un nouveau stade qui ne cessait d’être retardé.

Le Stade des Alpes

Avant même que les footballeurs quittent Charles Berty, le projet d’un nouveau stade de 20 000 places pour les footballeurs avait pourtant été officialisé en mars 2000. Le nouveau stade sera implanté au Parc Mistral sur les cendres de Charles Berty. En février 2002, le cabinet Chaix & Morel est désigné comme architecte du projet. Ce cabinet est notamment connu pour ses réalisations à Paris (Zénith), Montpellier (Patinoire), mais surtout à Amiens et son stade de la Licorne qui servira de modèle à la réalisation du futur stade de l’Agglomération.

En 2003, l’ancien stade vélodrome ferme ses portes et est détruit dans la foulée. Mais de très nombreux recours et des manifestations d’ opposants (dont certains s’installeront dans les arbres du Parc Mistral pour manifester leur opposition au projet…), ainsi qu’un appel d’offre annulé par le tribunal retarderont considérablement le projet. La première pierre n’est posée qu’en mars 2006.

Le stade des Alpes en construction.

L’enceinte est finalement inaugurée le 15 février 2008 à l’occasion d’une rencontre de Ligue 2 opposant Grenoble à Clermont. 18 846 spectateurs se pressent au Stade des Alpes (le nom a été choisi sur concours) ce soir-là pour assister à la première victoire des Grenoblois dans leur nouvel antre (2-0). Dans la foulée, Grenoble retrouve la Ligue 1 45 ans après l’avoir connu.

Le club dispute deux saisons dans l’élite, avant de retrouver l’étage inférieur. Mais surtout à l’issue de la saison 2010-2011, le club dépose le bilan et repart en CFA 2. Les collectivités se retrouvent avec un stade tout beau, tout neuf, mais avec seulement une équipe de 5ème division à mettre dedans. Voilà qui est fâcheux.

Heureusement pour les finances des collectivités et les contribuables grenoblois, le FC Grenoble retrouve le Top 14 à peine un an après la liquidation du GF38. Après plusieurs délocalisations réussies au Stade des Alpes, le FCG déménage de manière définitive au Parc Mistral à la reprise de la saison 2014-2015. Ce stade conçu pour le GF38 se retrouve ainsi entre les mains des rugbymen qui doivent de nouveau cohabiter avec les footballeurs avec tous les tracas déjà connus une décennie auparavant à Lesdiguières.

Ce départ de l’équipe première du FCG  au Stade des Alpes ne signifie pas pour autant la fin de Lesdiguières. Les entraînements du club continuent de s’y dérouler ainsi que les matchs de l’équipe féminine ‘Les Amazones’. Récemment, les footballeurs américains des Centaures ont également rejoint Lesdiguières.

A terme, le FCG souhaite faire de Lesdiguières un véritable centre d’entrainement moderne, et, pourquoi pas, à plus long terme prévoir un retour sur les terres originelles du club.

 


*Pierre Behr n’avait rien d’un magnat de l’industrie. Il faisait simplement office d’artisan et était propriétaire d’une « grand charcuterie » en ville !

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