Le Havre: Du Stade de Sanvic à Océane

Le Havre Athletic Club. Le club doyen, certes, mais doyen de quoi exactement ? Il semble que jusqu’au début des années 1890, le HAC, ou plutôt Le Havre Football Club, comme on l’appelle encore, se soit consacré à la « combination », sport hybride entre le football et le rugby.Un vote de l’Assemblée Générale du club datée du 18 novembre 1884 donne ainsi sa préférence à la pratique de la « combination » par 12 vois contre 10 en faveur de l’association (à comprendre le football) et 2 en faveur du « football » (à savoir le rugby).

Combination, football-association ou football-rugby, nous ne serons peut-être jamais à quoi s’exercer ces premiers sportifs havrais, ces « clowns » comme se plaisaient à les appeler les rares passants à s’intéresser à eux. Une chose est cependant certaine, ces sportifs évoluent à partir de 1882 sur un terrain situé près de l’église de Sanvic, commune proche du Havre. Jusqu’à l’inauguration du Stade de la Cavée Verte en 1918, footballeurs et rugbymen se partageront ce stade aujourd’hui baptisé Stade Langstaff, en hommage à William Ramsay Langstaff, fils du premier président du HAC et lui-même président du club de 1901 à 1925. Ce stade est toujours utilisé actuellement par de nombreuses équipes de la section rugby du HAC.

A la veille de la Première Guerre Mondiale, la section football du HAC, championne de France USFSA 1899 et 1900, commence à se sentir à l’étroit à Sanvic, ce qui pousse son président Albert Schadegg à jeter son dévolu en 1914 sur un nouveau terrain rue de la Cavée Verte toujours à Sanvic. Si l’emplacement est idéal, de lourds travaux de nivellement sont cependant nécessaires pour y rendre la pratique du football possible. Les travaux, ralentis par l’irruption de la guerre, ne s’achèveront qu’à l’issue du conflit mondial, et ce, grâce au concours de prisonniers allemands. Les tribunes d’un ancien hippodrome permettant d’accueillir environ 3 000 personnes sont installées autour du terrain.

La première tribune de la Cavée Verte

Moins d’un an après son ouverture, l’enceinte reçoit l’honneur d’organiser le 11 mai 1919 la finale du Championnat de France USFSA. Le Havre y défait alors Marseille 4 à 1 s’arrogeant ainsi son troisième et dernier titre national. Cinq ans plus tard c’est au tour de l’équipe de France d’y disputer une rencontre. Le 4 juin 1924, les Français s’inclinent pour leur unique sortie à la Cavée Verte 1-0 face à la Hongrie devant 6 000 spectateurs. Enfin, en 1928 dans le cadre de sa préparation olympique, l’équipe d’Uruguay y étrille à deux reprises le HAC -6-0, puis 7-1.

Un Stade Municipal au Havre

L’année 1928 est également marquée par la décision de la ville du Havre sous l’impulsion de son conseillé municipal Jules Deschaseaux de construire un Stade Municipal dans le quartier de Graville (le stade prendra le nom de Deschaseaux à sa mort en 1957).

Pour le HAC qui dispose de ses propres installations à la Cavée Verte, la question d’intégrer le stade municipal ne se pose pas. D’ailleurs l’inauguration du stade le 28 juin 1931 se fait sans lui. Au programme, un simple défilé des écoliers de la ville. Le stade n’est d’ailleurs pas encore tout à fait terminé. La grande Tribune Nord reste encore à construire.

Pour l’heure, le stade municipal se contente de quelques rencontres d’athlétisme, de matchs de Coupe de France, ou d’éventuelles rencontres de prestige (comme Arsenal qui s’y rend pour affronter une sélection de Normandie par exemple ou l’Equipe de France amateur qui y dispute un match contre la Hollande B en 1933). Beaucoup de ces matchs attirent la grande foule, ils sont par exemple 22 000 à assister à un match de Coupe entre le RC Roubaix et le FC Rouen en 1932.

 

Disposant de deux stades d’envergure, et port d’arrivée du football en France, le Havre est logiquement choisi pour accueillir une rencontre de la Coupe du Monde 1938. D’une capacité supérieure à la Cavée Verte, le Stade Municipal (25 000 places dont 1 000 places assises et 6000 couvertes), est désignée pour accueillir le 8e de finale entre la Tchécoslovaquie et les Pays-Bas le 5 juin 2008 (victoire tchécoslovaque 3-0 devant 10 600 spectateurs).

Atermoiements du football professionnel

Les années 20 et le début des années 30 sont difficiles pour le club doyen dont la mainmise régionale est remise en cause par les FC Rouen, US Quevilly, et même sur ses propres terres par le Stade Havrais.

Une véritable menace ?

Cette nouvelle compétition crée de nouvelles rivalités. En 1932, le Stade de la Cavée Verte est victime d’un incendie. On accusera les supporters havrais d’avoir déclencher le feu dans leur propre stade. Le HAC s’était en effet incliné la veille 6-1 face au voisin rouennais. Toujours, en 1932, le club refuse d’intégrer le tout nouveau championnat professionnel par attachement aux valeurs du club, dit-on,… avant de voter l’année suivante le passage au statut pro à l’unanimité moins une voix. Les rumeurs d’un nouveau club professionnel au Havre qui aurait joué au Stade Municipal ne sont sans doute pas étrangères à ce revirement.

Champion de D2 en 1938, la club participe au dernier championnat de D1 avant le déclenchement du second conflit mondial.

A la Libération, le HAC retrouve la D2 à l’issue de la saison 1946-1947, le Stade de le Cavée verte conserve une moyenne de spectateurs tout à fait acceptable cependant (autour de 10 000 spectateurs) atteignant même les 24 961 spectateurs payants (probablement plus de 30 000 en réalité) au cours de la rencontre face à Nîmes le 23 avril 1950. De Retour en D1, le record d’affluence s’élèvera finalement à 26 300 spectateurs au cours de la réception du LOSC le 4 mars 1951. Deux ans plus tard, toujours à l’occasion d’une réception du LOSC, une des tribunes du stade, en fait une simple butte de terre, s’effondre en partie suite à un glissement de terrain Le tableau d’affichage s’écroule également.

La Cavée verte en 1950 à l’occasion de la réception de Nîmes

Le Stade Jules Deschaseaux

Si la Cavée verte souffre du poids des ages, la situation est encore pire du coté du Stade Municipal, largement détruit par des bombardements en 1941 et 1944. Après-guerre, le stade est reconstruit et inauguré une seconde fois en 1951.

Les vestiges du Stade Municipal avant sa reconstruction

Relégué de nouveau en D2 en 1955, le club chute en CFA en 1965, et même en Division d’Honneur deux ans plus tard. Malgré cette chute inexorable, le club, notamment de par son statut de « ville-football », est convié à participer au premier championnat de D2 open en 1970 (ouvert aux amateurs et composé de trois groupes), et s’installe par la même occasion de manière définitive au Stade Jules Deschaseaux (le club y avait déjà disputé quelques rencontres à la fin des années 30, et encore plus dans les années 50).

Suite au déménagement du HAC à Graville, le Stade Deschaseaux est régulièrement réaménagé et modernisé pour respecter les nouvelles normes de sécurité et de confort. Ainsi, la tribune Sud est construite en 1985, puis les tribunes Harfleur, Kop et Langlois sont rénovées dans les années 90 et un important système de vidéosurveillance est installé. Pour développer et améliorer les rencontres avec partenaires et sponsors, le stade Jules-Deschaseaux s’équipe par ailleurs de deux salons VIPs baptisés Oxford et Cambridge.

Suite à ces rénovations, la capacité du stade s’établie à 22 000 places. Capacité maximale qui ne restera que théorique, le record d’affluence s’établissant à un peu plus de 20 000 spectateurs (20 147 pour un HAC – Marseille, le 19 août 1996). Avec la mise en place des prises assises dans l’intégralité de l’enceinte, la capacité du stade est ensuite rabaissée à 16 382 places.

Vers Océane

En dépit des ces travaux de modernisation, les dirigeants du HAC sont convaincus à l’aube des années 2000 de la nécessité de doter leur club d’une enceinte plus conforme à un club professionnel que Jules Deschaseaux. Un stade surtout enfin capable de générer des revenus suffisants: Là où les recettes liées aux matches à domicile des clubs de Division 1 génèrent en moyenne 14 millions d’Euros, le HAC n’en engendrait que 5 M€.

Si la marie havraise préfère initialement une reconstruction du Stade Jules Deschaseaux à une nouvelle enceinte, les dirigeants du HAC se montrent inflexibles devant les inconvénients qu’auraient supposé une telle rénovation (augmentation du nombre de places limité à moins de 4 000 unités, contraintes d’accès, perturbations liées aux travaux, potentiel économique du site quasiment nul, incertitudes réglementaires et techniques sur la faisabilité du projet…).

Le 27 avril 2004, Jean-Pierre Louvel, président du club doyen, dévoile le projet d’un nouveau stade de 25 000 places à l’architecture originale dont le toit viendrait dessiner une vague rappelant le caractère maritime de l’agglomération havraise. L’étude estime le coût de cette nouvelle enceinte à environ 45 millions d’Euros (au final, la facture sera de 80 M€).

Pour implanter le futur stade, les élus optent pour la gare de triage de Soquence à quelques encablures de Dechaseaux. En 2007, le projet est officialisé par  CODAH (Communauté d’Agglomération du Havre) et enfin la première pierre est posée en octobre 2010.

Après Sanvic; Apès la Cavée Verte; Après Jules Deschaseaux, le Havre AC inaugure ce quatrième stade de son histoire le 12 juillet 2012 à l’occasion d’un match amical contre le LOSC (1-2).

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