Le 19 janvier dernier, le premier match de la Hockey Pro League s’est déroulé à Valence entre l’Espagne et la Belgique. La Hockey Pro quoi ? Justement.
La difficile sortie de l’amateurisme
Longtemps les deux pieds dans l’amateurisme, le hockey sur gazon s’est ouvert au professionnalisme depuis le début du XXIe siècle, notamment parmi les meilleurs clubs néerlandais ou belges (où évoluent une bonne partie des internationaux français d’ailleurs). Mais cette professionnalisation des meilleurs joueurs internationaux ne s’est pas accompagnée d’une véritable commercialisation du sport. L’essence de ces championnats reste amateur. Les affluences sont faibles et constituées principalement de membre ou d’ex membres du club, les sponsors font plus office de mécènes que de partenaires commerciaux, et les droits de retransmission sont inexistant.
Seule exception à la règle, la Hockey India League (HIL) formée en 2013 sur le modèle de la très commerciale Indian Premier League en cricket (franchises, mise aux enchères des joueurs, etc. ). Hélas, le hockey n’est pas (plus) l’égal du cricket en Inde et en 2018 la HIL a du faire relâche. Elle devrait reprendre fin 2019, mais quoi qu’il en soit, ce n’est pas une compétition de six équipes qui dure à peine un mois qui peut faire office de seule compétition professionnelle pour le hockey mondial et ce malgré des salaires très élevés pour la discipline (la star belge Tom Boon y avait par exemple signé pour 82 000 euros en 2015).
Sans réel fer de lance commercial, c’est l’avenir olympique de la discipline qui semble tout d’un coup en jeu (et donc l’avenir tout court du sport). En 2013, lorsque la lutte avait été exclue des Jeux (avant d’être réintégrée par la suite), le hockey faisait partie de la dernière charrette des condamnés avec la lutte et le pentathlon. Une surprise pour beaucoup, qui si elle a fait peu de bruit dans les médias, a marqué durablement le monde du hockey convaincu désormais que quelque chose devait changer.
La Hockey Revolution
C’est donc dans ce contexte que la Fédération Internationale de Hockey (FIH) fait part en 2014 de sa ‘Hockey Revolution’ à venir. Une stratégie sur dix ans basée sur quatre objectifs: la création de nouveaux événements; la professionnalisation du sport; la construction d’une nouvelle image et la conquête d’un nouveau public. Comment y arriver, c’est pour l’heure encore à l’étude.
Deux ans plus tard, lors de son congrès 2016, la FIH présente les moyens de sa révolution. L’annonce se fait sur scène dans un exercice assez raté. N’est pas Steve Jobs qui veut.
L’ensemble du calendrier international est ainsi revu pour l’occasion. Les noms des compétitions changent, leurs formules également, mais c’est surtout d’une nouvelle compétition dont il est question, une épreuve qui ne se dévoilera réellement que six mois plus tard, la Hockey Pro League.
Cette nouvelle compétition est ainsi constituée de 9 équipes nationales masculines et féminines qui se rencontreront en matchs aller-retour du mois de janvier à celui de juin. Dans l’absolu, cela n’a rien d’une révolution, c’est quelque chose qui existe depuis 1883 dans le monde du rugby. Mais pour le hockey sur gazon, où les plus grands matchs internationaux se déroulent sous forme de tournois sur un lieu unique, cela en représente une. Chaque équipe retenue à la garantie de disputer huit matchs à domicile. les supporters locaux pourront supporter et les sponsors sponsoriser.
Il faut aussi noter que les neuf heureux élus ne seront pas nécessairement les neuf meilleures nations du moment, mais les plus à même à répondre à un ensemble de critères commerciaux.
Dans sa quête de professionnalisation et de commercialisation du hockey, la FIH donne clairement la priorité aux équipes nationales. Partout ailleurs (à l’exception partielle du rugby à XV), le professionnalisme est pourtant né des championnats domestiques, pas des rencontres internationales. Les compétitions de clubs sont d’ailleurs les premières victimes de cette révolution qui se voient amputer de plusieurs matchs par saison.
En Juillet 2017, une première alerte vient freiner la Révolution en cours. l’Inde retire ses équipes hommes et femmes de la compétition, estimant notamment que la nouvelle compétition nuirait à ses chances de qualification olympique. Au delà d’une des meilleures équipes masculines du monde, la FIH perd surtout un poids lourd commercial du hockey mondial. Un poids essentiel diront certains, dont la perte peut notamment expliquer pourquoi la FIH a été incapable jusqu’à présent de trouver un sponsor titre pour sa compétition.
Depuis, l’Inde a été rejointe par le Pakistan dans la liste des absents. L’ancien géant du hockey mondial (triple champion olympique, vainqueur à quatre reprises de la Coupe du Monde), mais qui n’est plus que l’ombre de lui-même depuis des décennies. Le Pakistan dont on avait également appris entre-temps qu’il aurait du disputer ses rencontres à domicile à … Glasgow.
L’absence du sous-continent ou d’un sponsor majeur n’a cependant pas empêché la Hockey Pro League de bel et bien s’élancer le 19 janvier dernier en Espagne. A Valence, Ils étaient 2 500 spectateurs à assister à la réception des tout nouveaux champions du monde belges. 2 500 supporters qui pourront – peut-être – dire à leurs enfants et petits-enfants qu’ils sont assisté à la naissance d’une Révolution.