La francophonie, ça vous parle ? Bonne nouvelle, si vous lisez ces lignes c’est que vous-même vous êtes francophone. L’autre bonne nouvelle, c’est que vous pouvez concourir aux Jeux de la Francophonie.
Un maire qui se voulait ministre
L’idée des Jeux de la Francophonie naît en 1987 durant le deuxième Sommet de la Francophonie tenu à Québec. Le Maroc est choisi pour accueillir la première édition deux ans plus tard. Ces Jeux qui mêlent performances sportives et culturelles doivent « principalement contribuer à renforcer les liens entre les nations francophones. » Cette même année 1989, l’Essonne, seule candidate, est désignée pour accueillir la deuxième édition en 1993. C’est là que notre histoire débute.
Ces jeux en Essonne sont l’oeuvre d’une seule personne: Xavier Dugoin, président (RPR) depuis 1988 du Conseil Général du département. Selon lui, l‘attribution des Jeux de la Francophonie doit « permettre d’affirmer l’identité de notre département, tant auprès de ses habitants qu’à l’extérieur. Ce sera également un élément moteur pour la pratique du sport ». Le sport est considéré comme la ‘vitrine’ du département. Certes, il y à de ça, mais aussi et surtout le désir de Dugouin de se forger une réputation de ministrable en puissance.
Celui qui est également maire de Mennecy et député de la deuxième circonscription du département se nomme dans le plus grand des calmes à la tête du comité (CNJF) chargé d’organiser les Jeux. La lutte contre le cumul des mandats n’est pas encore dans l’esprit des citoyens. Profitons-en tant qu’il est encore temps, donc.
Du pain et des parpaings
Avant d’offrir l’hospitalité aux milliers d’athlètes et artistes francophones venus du monde entier, un problème majeur se pose cependant au Département: aucune installation existante n’est en mesure d’accueillir les sportifs. C’est dommage, un projet si bien pensé pourtant.
Ce n’est rien pour Xavier Dugouin, le département construira ce qui manque: un stade d’athlétisme de vingt mille places, deux salles polyvalentes, dont l’une de cinq mille places, un dojo olympique, ainsi qu’un centre d’hébergement. Bon prince, Dugouin, rajoute une piscine olympique à la liste des courses, à construire de préférence dans sa bonne ville de Mennecy. Quoi ? il n’y a pas d’épreuves de natation prévues au programme ? Dugouin, n’est pas le genre d’Homme à s’arrêter à de tels détails. Un vélodrome du côté de Corbeil-Essonnes, est aussi suggéré (là non plus, sans qu’il n’y ait d’épreuves sur piste prévues).
Si l’Essonne est riche en entreprises de BTP et politiciens véreux, elle l’est malheureusement moins en matière de comptables. 50 MF (moins de 10 M€) sont d’abord annoncés pour construire l’ensemble des équipements nécessaires…. Quant à l’organisation, son coût est estimé à 36 MF, dont 21 à la charge du département. Qu’importe le prix à vrai dire, ces équipements sont jugés ‘nécessaires’ car ils « permettront tout à la fois le développement du sport pour tous et du sport de haut niveau. »
Evidemment, tout cela est parfaitement sous évalué. In fine, le département dépensera 445 MF, soit près de 10 fois le montant de l’estimation initiale dans la construction ou la rénovation de cinq équipements:
- Dojo de Brétigny-sur-Orge (800 places)
- Stade d’athlétisme de Bondoufle (20 000 places)
- Grand Dôme de Villebon-sur-Yvette (6 500 places)
- Stade nautique de Nemmecy (pour des épreuves nautiques qui n’existent pas, rappelons-le)
- Salle omnisports d’Epinay-sous-Sénart
Dès 1992, le département (avec l’aide du Conseil Régional) a déjà dépensé 350 MF dans la réalisation de ces équipements. Quand au budget de fonctionnement, il a également doublé. Par ailleurs, les sponsors se font rares (Seuls IBM et Aéroports de Paris apportent chacun 3 MF).
Alors que les travaux battent leur plein, Dugoin suspend en juin 1992 l’organisation des Jeux, croyant pouvoir faire plier l’Etat à qui il souhaite faire payer tout ou partie de sa mégalomanie. Peine perdue, le gouvernement (socialiste, ce qui n’arrange rien) ne cède pas. Si bien, que l’Essonne est contrainte d’annuler la tenue des Jeux. Limoges ou Marseille sont un temps annoncées pour accueillir les Jeux, mais devant le manque d’alternatives crédibles, les Jeux sont repoussés d’un an à l’été 1994.
A l’automne 1993, le gouvernement (désormais de droite) annonce une solution. Paris accueillera les Jeux accompagné de… l’Essonne. L’Etat reprend en main l’organisation, Jacques Toubon, ministre de la culture et de la francophonie, et Michèle Alliot-Marie, ministre de la jeunesse et des sports sont nommés à la tête du comité des Jeux.
Les manifestations culturelles se tiendront à Paris, tout comme la moitié des épreuves sportives (le judo par exemple qui verra l’une des rares stars vedettes de ces jeux David Douillet combattre sur les tatamis du Stade Pierre de Coubertin). L’Essonne n’accueillera en tout et pour tout que quatre épreuves : L’athlétisme, le football, le basket féminin et le tennis de table. Pis, seules deux des 5 installations prévues seront utilisées pour les jeux (le Stade de Bondoufle et le Grand Dôme). Autre symbole de cette reprise en main, la cérémonie d’ouverture est transférée d’Evry à la Cour carrée du Louvre.
Le temps des Eléphants
40 000 personnes assistent aux Jeux « France 1994 » (les entrées étaient gratuites…), mais l’intérêt que leur portent les télévision et les journaux est nul ou presque. Seule la cérémonie d’ouverture du Louvre présidée par François Mitterrand est un succès médiatique (5 millions de téléspectateurs). L’Essonne est ignorée des commentaires.
Si les retombées sont nulles pour le département, les habitants de l’Essonne, eux, sont aux première loges pour en constater les conséquences. En 1995, le Conseil Général de l’Essonne décide une augmentation de 25% des impôts locaux. 25% d’impôts supplémentaires pour 5 nouveaux équipements, dont trois qui n’auront servi à rien pendant les Jeux et des retombées inexistantes pour le reste. Une belle réussite, donc.
Si les deux équipements les plus modestes (le dojo et la Salle d’Epinay) trouvent assez facilement leur place dans le tissus sportif local. Il n’en va pas du même pour les 3 principales réalisations de ces Jeux: le bassin de Mennecy, le stade de Bondoufle et le Grand Dome.
Ces trois installations très largement surdimensionnées pour le territoire, mal conçues et sans équipe pour les faire vivre à l’année (le Conseil Général déboursera jusqu’à 300 000 francs pour faire jouer au Grand Dôme l’équipe féminine de basket du Racing Club de France…) constituent de véritables éléphants blancs. Les rares recettes ne couvrant en rien les charges d’entretien.
Conséquence de cette politique désastreuse. Deux des équipements (le bassin nautique Maurice Herzog en 2008, et le Grand Dôme en 2015), ont même du fermer leur portes. Ces deux installations ont depuis été reprises en charge (par la Fédération Française de Judo pour le Grand Dôme et par deux partenaires privés pour la piscine de Mennecy).
Quant au responsable de ce désastre, Xavier Dugouin, son séjour en prison en 2001 , ne l’a pas empêché de reprendre sa mairie de Nemmecy en 2008 avant de transmettre le trône en 2011 à son fils. Désormais sans mandat, Dugouin n’est pas sans ressources, rassurez-vous. Le SIREDOM et le SIARCE vous connaissez ? non ? Evidemment. Pourtant, on y retrouve à la tête de ces deux syndicats intercommunaux ce même Xavier Dugouin. La République est bonne avec ces serviteurs, surtout avec ceux qui n’ont aucune considération pour l’argent de ses concitoyens.
Triste constat , Dugoin vient de laisser derrière lui 50 M€ de dettes au Siredom..