‘Handball’ dans la France des années 20 et 30, ce la n’évoque pas grand chose à pas grand monde. Après plusieurs tentatives avortées, le sport ne s’enracinera dans notre pays qu’avec les années 40.
Le Házená avant le Handball
Monaco, avril 1922. La principauté organise ses deuxièmes rencontres sportives réservées à la Femme. 700 sportives d’une dizaine de pays sont conviées à Monte Carlo, principalement pour des rencontres d’athlétisme, mais aussi de quelques sports collectifs, notamment le Házená venu de Tchécoslovaquie.
La presse présente se sport comme un mélange de football, de rugby, et de basket: « Du basket, il tient la délicatesse et la courtoisie; au football, il a pris la finesse des combinaisons, et au rugby, la science de la passe ». Certains évoquent également une patentée avec le ballon militaire joué dans les casernes ou le water polo.
En réalité, il s’agit pour l’essentiel de handball à sept tel que nous le connaissons aujourd’hui, mais ce dernier est alors totalement inconnu en France.
Quoi qu’il en soit, la presse semble conquise par « la simplicité, la vitesse et l’absence de toute brutalité du sport ». Certains, considèrent le nouveau jeu tchécoslovaque « comme le sport d’équipe idéal pour la femme ». »C’est par excellence un jeu de passes et le moindre heurt, le moindre accrochage étant pénalisés ».
Dans la foulée de la démonstration monégasque, la Fédération des Sociétés Féminines Sportives de France (FSFSF) annonce organiser le sport en France. Durant la Fête du Printemps qu’elle organise au mois de mai au Stade Elisabeth, un premier match se tient entre deux équipes de la Fédération et sous l’œil des joueuses tchécoslovaques, qui s’arrêtent pour une halte à Paris pendant leur voyage retour qui doit les ramener de Monaco à Prague.
L’année suivante, une sélection française se déplace à Prague pour y prendre une leçon de házená. En 1924, ce sont les Tchécoslovaques qui se déplacent à Paris, au Stade Pershing. Dans le même temps, quelques équipes féminines ouvrière se créent dans la banlieue parisienne (JOS Montrouge, CAS Belleville, CSJS, COS Boulogne, US Cheminots, EPP Gervais).
Mais tous ces efforts semblent disparaître au bout de quelque années. A la fin des années 20, il ne reste rien de ces tentatives d’introduire le házená en France**.
L’Alsace-Lorraine
Alors que la version tchécoslovaque disparaît, la Fédération Sportive du Travail (FST, actuelle FSGT) ouvre en 1929 une commission de « Handball Association » (probablement par analogie avec le Football Association). Le 21 avril 1929, un match de démonstration est organisé par la FST en ouverture d’une rencontre de football au Stade de Clichy. Peut-être la première rencontre de handball à onze jamais disputée en France.
La tentative d’importer le handball en France par la FST est largement relayée par les organes de presse socialistes et communistes qui voient dans ce sport un objet politique aussi bien que sportif.
« Il est de notre honneur de montrer à tous les hobereaux et à tous les mercantis du sport que si nous ne pouvons pas réaliser quelques millions de bénéfices, nous n’en pouvons pas moins travailler à étendre partout notre action. Pour cette raison, nous faisons tous nos efforts afin de propager dans les milieux ouvriers toutes les branches sportives susceptibles de les intéresser. Le handball association en est une des meilleures. »
Le nouveau sport ne prend cependant que dans les quelques contrées du Nord Est, où il jouit probablement de la proximité avec la Suisse ou l’Allemagne voisine.
Dans le Haut-Rhin, quelques sociétés ouvrières pratiquant le handball à onze se regroupent autour de Mulhouse. Au printemps 1935, un premier championnat aller retour est formé entre des équipes de Mulhouse, de Colmar ou de Guebwiller. On compte environ 150 membres dans le département.
Autre foyer, la Moselle et Metz. Là aussi, quelques clubs se fondent, mais civils ici, et non pas ouvriers comme en Alsace. Des équipes sont crées à Metz, Hagondange ou Petite-Roselle. Pas de championnat à proprement parler, mais des échanges contres les équipes de la Sarre voisine. La naissance, aussi, d’un embryon de fédération française de Hand Ball qui regroupe rapidement des équipes venues de tout le Grand Est. De la Moselle bien sûr, mais aussi d’Alsace (Mulhouse, Strasbourg), et de Lorraine (Nancy).
Le 26 décembre 1935, cette fédération organise à Metz une première rencontre internationale contre le Luxembourg. 800 spectateurs assistent à la victoire des visiteurs 11 à 3. Parmi ces premiers internationaux français, Paul Tritz, futur vice président de la FFHB en 1958.
Bien qu’isolée du reste du pays, cette première fédération se développe néanmoins, notamment en Alsace, où une ligue régionale est crée en 1938 forte de 8 clubs.
Un sport scolaire
En 1937, Paris accueille les 7èmes Jeux Universitaires De très nombreux sports sont prévus au programme, dont le handball à onze. A l’origine, la France ne doit pas participer au tournoi. Mais les forfaits successifs du Luxembourg et de la Hongrie forcent les Français à mettre sur pieds une équipe à la dernière minute… et à fonder une fédération pour l’occasion. Pour une raison inconnue, la fédération lorraine ne joue ici aucun rôle.
Cette première sélection nationale est composée à partir de joueurs de rugby et de basket. Evidemment, c’est un massacre. La France encaisse 23 buts contre l’Autriche, de nouveau 23 contre la Suisse, 34 face aux Allemands… sans jamais en marquer un seul. Ces matchs qui se sont tous disputés à Colombes retiennent pourtant l’attention de la presse parisienne. Pour la première fois depuis au moins 1922 et la présentation du házená à Monaco, le sport a droit à un éclairage national.
A la suite de ces Jeux Universitaires, quelques Français sont conviés en Allemagne, à Karlsruhe, pour appréhender un peu mieux le sport. A leur retour, ils forment à leur tour quelques nouveaux joueurs issus du PUC et de l’Ecole Normale d’Auteuil..
Jules Coulon, inspecteur général de l’Education Physique, décide d’encourager la pratique dans les établissements d’enseignement. Quelques professeurs sont ainsi conviés par circulaire à une démonstration sur tableau du nouveau jeu par les nouveaux convertis revenus d’Allemagne. Cette démonstration va jouer un rôle capital dans le développement du handball français.
Ces enseignants créent les premières équipes scolaires au sein de leur lycées respectifs. En 1938, un premier championnat parisien mettant aux prises plusieurs lycées parisiens (Chaptal, Auteuil, Henri IV…) est crée. Une sélection estudiantine parisienne affronte également son homologue alsacienne.
Ces efforts pour pénétrer le milieu scolaire et universitaires sont également relayés par le Figaro qui pendant toute l’entre deux guerres se sera fait le défenseur zélé des intérêts du sport scolaire et du handball en particuliers.
Grâce à l’action du journal et de sa ‘Coupe Figaro’, on joue ainsi au handball dans les lycées d’Agen, du Mans, de Lyon, de Limoges ou de Périgueux. En Alsace, où la pratique est plus ancienne, la plupart des Lycées (Mulhouse, Strasbourg, Colmar…) se convertissent à leur tour à la nouvelle pratique. Quelques équipes féminines se forment également, notamment à Montbéliard ou à Rodez.
Durant la saison 1938-1939, un championnat de France s’ajoute à celui de Paris. La finale se déroule au Stade Léon Bollée du Mans, Les Parisiens du Lycée Chaptal s’y défont des locaux 3 buts à 1. Pour la première fois de l’histoire, des ‘Champions de France de Handball’ sont sacrés. Le 3 septembre 1939, la guerre est déclarée, il n’y aura pas de compétition officielle la saison suivante.
Une nouvelle fédération
A l’automne 1940, quatre professeurs d’éducation physique proposent la création d’une fédération de handball à Robert Foulon, directeur des sports du commissariat général aux Sports de Jean Borotra . Ils doivent d’abord se contenter d’une commission auprès de la fédération de basket présidée par René Doradoux, professeur d’EP au lycée Chaptal et entraîneur des champions de France 1939.
Les projets se multiplient: affiliations de clubs, licences, création de centres régionaux, diffusion des règles, intégration du sport à l’école via l’UFOLEP, etc. René Doradoux obtient même du Conservateur du Bois de Boulogne l’occupation de terrains pour la pratique du sport.
Le développement est tel que la cohabitation entre basket et handball n’est rapidement plus tenable. En septembre 1941, la Fédération Française de Handball acquiert son indépendance. La nouvelle FFHB est présidée par René Bouet, secrétaire général de la Fédération de Tennis de Table, à qui le Commissariat Général n’a visiblement guère laissé le choix.
Le développement
En 1941, le handball est encore une chose inconnue dans le Sud. Personne, dans la zone libre ne joue au Handball. Pendant près d’un an, Christian Picard, et son bâton de maréchal, va sillonner tout le Midi pour apporter la bonne parole du handball partout où il le peut (casernes, clubs omnisports, écoles…). Avec l’aide des autorités, des matchs de démonstrations se multiplient, souvent en levée de rideaux dans quelques uns des plus grands stades du pays, comme à Lyon (Stade de la Plaine), Toulouse (Sept Deniers) ou Marseille (Huveaune).
Sa mission est un tel succès. Que dès 1942, la FFHB peut mettre sur pied un match entre des sélections Nord et Sud sans peur du ridicule. A Courbevoie, la sélection sudiste renforcée de plusieurs vedettes du sport français devenus handballeurs pour l’occasion comme l’ex treiziste Max Rousié ou le gymnaste Weingand l’emporte 6 à 4 face aux nordistes.
Avec le soutient des autorités et de la presse, le handball français se structure rapidement. Des championnats régionaux se développent un peu partout en France, quelques grands clubs comme le PUC, le FC Lyon, ou l’AS Montferrand, le Racing, le Red Star ou le Stade Français ouvrent des sections dédiés au sport. Le Club Français, vainqueur de la Coupe de France 1931 de football, se consacre presque entièrement au handball dès 1941.
Dans le même temps, la version à sept du handball – la seule que nous connaissons aujourd’hui – sort de l’ombre. Début 1944, une première démonstration est organisée au Vel d’Hiv au profit des victimes des bombardements de Boulogne. La même année, l’Auto organise une coupe réservée au handball à sept. La finale jouée à Roland Garros le 20 avril 1944 attire une foule record de près de 2000 personnes.
La croissance des effectifs du handball français est saisissante. Ne serait-ce que ce qui concerne le sport scolaire et universitaire, le nombre d »équipes passe de 20 à 1940 à 252 trois ans plus tard, c’est un quart du nombre d’équipes de foot, mais c’est déjà plus qu’en rugby (176). A la fin de l’année 1942, la fédération annonce 400 clubs et 4500 licenciés contre à peine 300 joueurs deux ans plus tôt
A la fin de l’Occupation, les comité régionaux sont au nombre de 19 couvrant l’ensemble du pays. Le handball français est bel et bien né.
Palmarès partiel du handball français (1939-1944)
- 1939 : Collège Chaptal b Lycée du Mans (3-1) au Mans
- 1943 : Stade Niortais b AS Montferrand (6-4) à Niort
- 1944 : Club Français b Stade Niortais (4-3) à Jean Bouin
*Pour l’essentiel, un sport identique au handball à 7 et encore pratiqué aujourd’hui en République Tchèque.
**Des patristiques isolées ont sans doute subsisté ici ou là, notamment à Caen, où apparemment on a continué d’y jouer pendant toutes les années 20 et 30 sous le nom de ‘jeu de ballon’
Bonjour,
J’ai rédigé la biographie du HBC Nantes et je n’ai pu résister à un volet historique de notre sport. Je n’ai qu’une question. Pouvez-vous me dire quelles sont vos sources ? Le musée du handball à Dreux chez le fameux Michel Barbot ?
Bien à vous
Amicalement
Bernard Couraud
Bonjour,
Non, uniquement la presse ancienne via Gallica Ou Retronews. Ainsi qu’un ou deux articles sur la revue fédérale (là aussi sur Gallica).
Cdlt
Vous allez être déçus, mais je (Rosine) ne suis qu’une mamie solitaire de 72 ans qui essaie de glaner des renseignements sur le handball, que ce soit les récents JO de Tokyo, ou les prémices du handball….
Je serai ravie si vous intervenez de temps en temps pour mettre des articles (toujours sur le hand) « nouveaux »! Merci d’avance!