Retour sur l’expérience Jet Lyon et le patronage de Roger Caille, qui le premier dans le basket français a voulu associer le nom d’un club et celui d’une entreprise.
Une figure lyonnaise
Roger Caille est d’abord un entrepreneur. Son fleuron, l’entreprise Jet Services est un leader de la livraison express de colis. C’est aussi un homme en cours dans les milieux d’affaires et des médias locaux. On le retrouve notamment au lancement de Télé-Lyon-Métropole (TLM), puis de Lyon Mag, deux médias qui existent toujours aujourd’hui.
Ses premiers pas dans le monde du sponsoring se font dans la voile – dont les bateaux ont depuis longtemps pris l’habitude de porter le nom de leurs généreux mécènes. Des voiliers portant le nom de Jet Services sont barrés par Patrick Morvan et Serge Madec, qui à la fin des années 80 bat de nombreux records du monde de traversée sur Jet Services V.
Peut-être poussé par l’exemple de Jean Luc Lagardère et du Matra Racing, l’industriel se tourne bientôt vers le sport collectif et le basket en particuliers. En 1989, il prend le contrôle de la CRO lyon, petit club d’un quartier lyonnais basé à la Croix-Rousse et évoluant en Nationale 2 (3ème niveau). Un club sans grand passé, ni grandes ambitions jusque-là.
Du sport autrement
‘Débuter de rien et monter’, tel est le credo de Roger Caille. Selon lui, il est important de partir d’une ‘carte blanche’, sinon il lui aurait fallu ‘traîner une ancienneté, un passé’. La démarche résolument professionnelle et tournée vers l’efficacité entrepreneuriale peut choquer dans ce basket français dont le professionnalisme est balbutiant et les vieilles habitudes nées de décennies d’amateurisme marron tenaces.
Signe de l’imbrication du club et du monde des affaires, c’est un cadre de Jet Services, qui fut également joueur junior à l’ASVEL, qui devient manager général et cheville ouvrière du club: Philippe Delanoue.
L’entrepreneur lyonnais ne souhaite pas s’éterniser dans les divisions inférieures, il veut frapper fort et vite. Ancienne gloire du basket français, Jean Michel Sénégal en devient l’entraîneur, et Eric Beugnot débarque de l’ASVEL comme capitaine. Deux saisons plus tard et deux montées consécutives, le club se retrouve en 1991 en Nationale 1A.
La CRO quitte alors Croix Rousse pour une structure gonflable à la Cité Internationale financée par le club (2.5 MF), puis intègre le Palais des Sports de Gerland. L’idée de la construction d’une salle dédiée dont le club aurait la charge est avancée. On parle ainsi d’une salle de 6 000 places proche du quartier d’affaires de la Part Dieu, d’un espace restauration et d’une ouverture à d’autres manifestations. Presque une Arena en fait… Malheureusement, le projet ne se fait pas.
A l’issue de la saison 1992-1993, le club devient l’un des premiers du sport professionnel français à passer sous forme de société (SAOS). Jet Services devient également actionnaire majoritaire de la nouvelle société et décide de rebaptiser le club ‘Jet Services Lyon Basket’, ou plus simplement Jet Lyon. Pour Roger Caille : « c’est une façon d’entrer de plain-pied dans le sponsoring moderne« . Côté finances, le président de Jet Services injecte 12 à 15 millions de francs sur un budget qui dépasse à peine les 20 millions.
Roger Caille considère son club comme ‘un outil de communication’ externe bien sûr, mais aussi interne. L’entreprise invite régulièrement ses collaborateurs locaux aux matches disputés par l’équipe en déplacement, et les salariés du siège aux rencontres à domicile.
La lassitude
Si le club est à la pointe au plan structurel. Les résultats ne suivent pas. La prometteuse 6ème place de la saison initiale en N1A n’est pas suivie et l’on retrouve bientôt le club jouant la relégation. Le public, également, se fait absent, seul le derby contre l’ASVEL permet de faire vibrer les 10 000 places du palais des sports lyonnais.
Début 1996, le PDG lyonnais semble las de son ‘outil’. On parle de l’arrêt du patronage et d’un sponsoring qui s’en irait à Antibes . L’idée d’une fusion entre les deux grands clubs du Lyonnais est également longuement évoquée afin de faire naître « un grand club européen », mais les discussions avec les dirigeants Villeurbanne échouent.
Finalement, si la saison suivante le nom de l’entreprise se retrouve bien sur des maillots de joueurs de Pro A, ce sont désormais ceux de Pau-Orthez. Feu le JET Lyon est, lui, laissé à son sort et repart dans les rangs amateurs. Dans le Béarn, il n’est plus question pour Caille d’accoler le nom de son entreprise à celle du club, il ne s’agit plus ici que d’un simple sponsoring traditionnel. La somme dépensée n’est plus la même également : 6.5 MF, contre le double précédemment à Lyon.
Le passage en 1997 de la Pro A de Canal+ à Canal+ numérique et l’exposition bien moindre qui en résulte poussera Roger Caille a tout arrêter. « J’ai une démarche de bon gestionnaire, je veux en avoir pour mon argent, commente-t-il. J’ai besoin d’un support pour le développement européen de mon entreprise et je ne vois pas comment on va faire parler de nous en étant diffusé seulement sur le numérique« .
Roger Caille cédera son entreprise en 1999 pour 2 milliards de Francs et se retirera des affaires par la même occasion. Il est mort en 2007, à l’age de 73 ans.
Comments