Avant. Le championnat de France n’existe pas, la Fédération Française de Rugby vend des droits globaux couvrant aussi bien le championnat, les tournées et surtout le Tournoi. Les accords se signent « sur un bout de nappe en papier à la fin d’un repas au restaurant ». La diffusion du championnat se limite à la finale et à quelques rencontres des phases finales, si on a le temps. De toute manière, pour Ferrasse et la fédération: « La bonne publicité pour le rugby commence aux phases éliminatoires ».
Tout aller changer dans les années 80 avec l’arrivée d’un nouveau acteur.
Porno, foot et rugby
Né en novembre 1984, Canal+ diffuse presque aussitôt son premier match de football entre Nantes et Monaco une semaine à peine après son ouverture. Le rugby, lui, doit patienter quelques mois. La première diffusion d’un match de jeu à XV sur la chaîne cryptée remonte au 12 mai 1985. Le cadre: un derby, un quart de finale disputé au vélodrome entre deux des meilleures équipes de ce débuts des années 80, Nice et Toulon. Charles Biétry et Patrick Sébastien sont au micro.
L’année suivante, Canal innove avec une première rencontre en nocturne à l’occasion du derby basque entre Biarritz et Bayonne. Dès ces premières diffusions, Canal pose sa marque sur le championnat. Les joueurs sont filmés dans les vestiaires, les diffusions s’enrichissent d’avant match complétés de reportages en tout genre, les moyens techniques s’améliorent… On est loin des diffusions traditionnelles, désespérément classiques, du service public.
Pour l’heure, la chaîne à péage doit pourtant encore se contenter de quelques matchs rachetés au groupe public, seul détenteur de l’ensemble des droits de diffusion du rugby français.
TF1 rentre dans la danse
Après le championnat, la chaîne cryptée récupère également les droits de diffusion des coupes du monde 1991 et 1995. Mais pas seule. Canal+ assure la co-diffusion avec une autre chaîne privée: TF1.
A l’époque, TF1 cherche également à se rapprocher de la FFR et à racheter la diffusion des compétitions (Tournoi et Championnat) . Une première fois, en 1992, la première chaîne est écartée au profit du service public malgré une offre financière supérieure. En 1995, rebelote, TF1 croit avoir sécurisé un « accord secret » avec la FFR pour la diffusion pour trois ans des matchs du championnat (10 MF), des test match (5MF) et surtout du tournoi (40 MF). Le champagne est même sablé au siège de TF1,
Le 20 janvier 1995, le Comité directeur de la fédération boude pourtant de nouveau TF1, lui préférant une seconde fois l’offre financière – inférieure – du service public (45 MF). Ce devait être la dernière fois que le groupe privé tenterait sa chance avec la fédération
En parallèle à ce nouveau contrat avec le groupe public, un contrat spécifique pour le championnat est signé avec Canal. C’est une première. Pour 8MF/an, Canal s’engage a diffusé un match de championnat tous les 15 jours. Un contrat d’un an simplement, renouvelable saison après saison. Quelques rencontres des phases finales continuent d’être diffusées sur Antenne 2 ou FR3.
Mêmes joueurs, différents pardessus
Trois ans plus tard, en 1998, le rugby basque français a bien changé. L’IRB a renoncé à l’amateurisme, le championnat ne compte plus que 24 équipes, avant que ce nombre ne soit ramené à 21, puis à 16. La Ligue Nationale de Rugby est également fondée en 1998. Le rugby français a besoin d’argent. Pour la première fois, le championnat devient l’exclusivité d’une chaîne à péage. Seule la finale restera diffusée sur France 2.
Le montant du contrat qui coure sur 5 ans est estimée à 50MF, plus de 5 fois le montant précédent. L’offre de Canal a notamment été préférée à celle du service public associé à TPS. Parmi les arguments avancés par la Fédération figure l’assurance d’un match diffusé par journée et la production d’un magazine « jour de rugby ». Ce contrat, c’est aussi le point de bascule entre le basket et le rugby. Cette même année, le basket quitte Canal+ pour Pathé Sport tandis que le rugby devient le – presque – égal du football pour la chaîne cryptée.
« Le rugby est l’un des plus grands sports dans nos cœurs, il le sera bientôt dans la réalité. Il s’agit de traiter le rugby comme le foot ». Michel Denisot
En échange, le rugby français lui promet: « des rencontres dignes de demi finale chaque week-end ». On en rit toujours dans les couloirs de la Ligue parait-il. En cours de contrat, Canal rajoutera 20 MF pour la diffusion d’un second match le dimanche.
Merci Canal
En 2002, la ligue veut profiter d’audiences en hausse (+25% sur l’année pour les matchs diffusés sur Canal) pour renégocier à la hausse ses droits de retransmission. La chaîne à péage doit de nouveau affronter TF1 adossée a TPS et Eurosport.
La Ligue renouvelle sa confiance à Canal+, les droits passant de 70 MF annuel à près de 120 MF. Pour Serge Blanco: « Il a manqué la diffusion de la finale ou des demi-finales sur TF1 pour nous convaincre ». Quand à France TV, ils doivent se contenter de la finale pour 650 000€ et de la diffusion à titre gratuit de rencontres de Pro D2 sur ces antennes régionales.
Cinq ans plus tard en 2007, Canal + – qui a entre temps absorbé TPS – conserve sans surprise la part du lion avec un contrat de nouveau à la hausse (~29 M€ annuel). Nouveauté, chaque match est diffusé sur Rugby+ et trois rencontres sont diffusées en direct sur les antennes du groupe Canal (Canal+ ou Canal+ Sport). La Pro D2 fait également son retour chez Canal, une petite dizaine de rencontres étant sous traitées par les antennes régionales de France 3.
A la fin des années 2000, les dirigeants du rugby français se prennent à rêver à rêver à un contrat atteignant 60 M€, voire 100 M€ pour les plus enthousiastes. Malheureusement, suite au retrait d’Orange, Canal est désormais en situation de quasi monopole. La désillusion est terrible: Pour la période 2011-2015, Canal n’offre que 18 M€, moitié moins que le précédent appel d’offre. Après d’âpres négociations, la ligue arrache un contrat de 31.7 M€ annuel à Canal. Une somme presque identique par rapport à l’appel d’offre précédent.
Cette déception coûtera d’ailleurs son poste à Pierre Yves Revol, président de la LNR.
Le premier juin 2012, Bein Sport débute sa diffusion en France. L’arrivée de ce nouvel acteur ouvre de nouveau les appétits des dirigeants du rugby français, dont certains (re)commencent à rêver d’un contrat à 100 M€.
Fin décembre 2013, la Ligue dénonce le contrat qui la lie à Canal+ jusqu’en 2015. Pour Paul Goze: « Cette décision est mûrement réfléchie, il ne s’agit pas d’un coup de poker ».
Peut-être, peut-être pas… A trois jours seulement de la date limite du dépôt des offres, l’appel d’offre est brutalement suspendu par la ligue qui préfère négocier exclusivement avec Canal. Ces discussions permettent de porter le nouveau contrat (2015-2019) à 74 M€ annuel, soit, moins que ce que BeIn était prêt à offrir (80 M€ selon le Midi Olympique)
Enfin dernier contrat en date, la Ligue signe en 2016 un accord courant sur la période 2019-2023, toujours avec Canal, et une nouvelle fois en hausse (97 M€). Trois ans plus tard, le groupe rajoute 8 millions au pot cette fois-ci pour rapatrier les droits de la Pro D2 jusque là chez Eurosport ainsi que ceux du Super Sevens, nouvelle competition de rugby à VII mise en place par la LNR.