L’histoire du Stade de Sapiac

En 1908, l’US Montauban inaugurait son nouveau terrain enfoncé dans une cuvette du quartier Sapiac. Plus d’un siècle plus tard, le club n’en a pas bougé.

Un stade sans égal

Comme partout ailleurs ou presque, le rugby à Montauban a débuté dans les écoles de la ville, au Lycée Ingres (Alouettes) ou à la Faculté de Théologie Protestante de la ville (Association Athlétique). L’Union Sportive Montalbanaise naît en 1903* du regroupement de quelques uns de ces apprentis sportifs. Les débuts sont des plus modestes, limités au lointain terrain de manoeuvre qui fait également office … d’hippodrome. Des piquets servent de poteaux, des vestes alignées font office de touche. En 1904, l’USM s’installe sur un terrain en ville qu’elle loue 350 francs par an.

Sous l’impulsion de son président, briquetier de son état, Jean Marie Rauffet et aidé par son ami André Bardin, entrepreneur en travaux public, le club prend  possession en 1907 d’un nouveau terrain sur la rive droite du Tarn dans le quartier de Sapiac. Un quartier connu pour ses cuvettes laissées par les anciennes briqueteries de la ville. C’est dans l’une d’elles que l’USM inaugure le 6 septembre 1908 le Stade Sapiac à l’occasion du centenaire de la création du Tarn-et-Garonne.

La cuvette, Sapiac, l’USM. Tout est déjà en place. A une différence près: le sport roi à Montauban n’est pas encore le ballon ovale, mais le cyclisme (la ville compte déjà une première piste au Cours Foucault). Ce n’est pas encore le Stade Sapiac, mais le Vélodrome Sapiac. L’anneau cycliste cimenté de 420 mètres est construit sur les plans du Parc des Princes avec des virages très relevés (72%) permettant d’atteindre les plus hautes vitesses. L’Auto décrit Sapiac comme « Un terrain athlétique modèle sans égal dans toute la région du Sud-Ouest. »

A cette heure de l’histoire,  c’est encore la petite reine — comme un peu partout en France — qui attire à elle la foule. Les dirigeants de l’USM ne s’y trompent pas, c’est ainsi une grande réunion cycliste derrière motocyclette entre deux coureurs parisiens Simar et Sérès qui clôture la journée du 6 septembre 1908. 4.000 spectateurs assistent à cette première sapiacaine.

Léopold Alibert, directeur sportif de l’équipe cycliste Peugeot, est le représentant du vélodrome dans la capitale. Il s’acharne à faire venir dans le Tarn et Garonne les As de l’époque, notamment la grande vedette noir américaine Major Taylor. A Paris, il vend Sapiac comme « le plus beau et le mieux agencé » des stades de province. En 1909, une dizaine d’épreuves sont courues sur la piste montalbanaise.

Sapiac détruit une première fois…

Le rugby éclipsera pourtant bien vite le vélo. Lorsque l’USM remporte son premier titre en 1909, celui de champion de France de Deuxième Série, ils sont déjà 6 000 à Sapiac à assister à la victoire des locaux sur Toulon (4-0). En 1911, la finale du Championnat des Pyrénées entre Tarbes et le Stade Toulousain y est organisée. 6 à 8 000 spectateurs, dont de très nombreux toulousains, se pressent à Sapiac, qui devient un nom familier du rugby français.

Durant le premier conflit mondial, Sapiac est réquisitionné jusqu’en 1919 par les autorités militaires comme dépôt de troupes. Les dégâts sont considérables. Les tribunes sont pillées et la piste est démolie. Le terrain n’en est plus un et les courts de tennis ont disparus.

Une indemnité de 35 000 francs est promise au club pour financer la reconstruction de son parc des sports. Deux nouvelles tribunes de 50 mètres sont construites.  En octobre 1921, le Monument aux Morts de Sapiac est également inauguré. Le nom de 55 joueurs et dirigeants y est inscrit.

En 1928, quelques amoureux du cyclisme s’engagent pour redonner à Sapiac un anneau de vitesse. Le nouveau vélodrome de 450m est inaugurée le 28 août 1928 devant une « affluence énorme ».

Mais nous ne somme plus en 1908, la piste a débuté son déclin à Montauban comme ailleurs. Le vélodrome connaîtra encore quelques belles réunions en 1948 avec la venue de Bobet, Robic, Vietto ou en 1957 avec Anquetil, Darrigade et Stablinski. Les courses sur piste survivront dans l’ombre du rugby jusqu’aux années 70 ou 80

…puis une deuxième fois

Deux ans plus tard, les 2 et 3 mars 1930, de terribles inondations frappent le Sud Ouest. Montauban n’est pas épargné, le quartier de Sapiac et son stade non plus. L’eau monte montre jusqu’au toit des tribunes, le concierge qui s’y est réfugié appellera à l’aide pendant toute une journée.

La liste des héros de l’USM

La crue fait des centaines de morts dans le département. A Montauban, des dizaines sont sauvés de la noyade par l’action de plusieurs membres de l’USM qui à l’aide d’un canot viennent au secours des habitants. L’un d’entre eux y laisse la vie: Adolphe Poult, jeune (34 ans) président de la section cycliste de l’USM et du club des nageurs de la ville. Avec son ami René Bousquet (oui, ce René Bousquet là), ils se sont épuisés pendant 48 heures à secourir la population de la ville.

A Sapiac, il n’y a rien à sauver. Le quartier est détruit, le stade est recouvert d’une importante couche de limon. Des fissures apparaissent ici ou là, les tribunes sont encore debout par miracle. L’équipement est perdu ou dispersé dans la ville, le joug d’entrainement s’est retrouvé au Jardin des Plantes. Le terrain ? Une marre dont sort une puanteur écoeurante.

Une nouvelle fois, tout est à reconstruire. Evidemment, la saison 1929-1930 de l’USM s’arrête là, la demi-finale du championnat de France Honneur pour laquelle le club était qualifié ne se jouera pas. Mais à Montauban, on pense déjà à l’avenir:

« Pourrons-nous utiliser de nouveau Sapiac ? Et quand ? Il faut que nous débarrassions le terrain. Ce sera long et coûteux. Mais si sous avons abandonné la présente saison il faut songer à l’an prochain »

Le terrain sera de nouveau inondé en 1982, 1996 et 2003. Mais avec des conséquences bien moins dramatiques.

Sapiac sous les eaux, une nouvelle fois

Montauban, Capitale de l’Ovalie

A la Libération l’USM s’immisce parmi les grands du rugby français et atteint un premier huitième de finale du Championnat de France en 1949. Sapiac connait alors ses plus belle chambrées. 14 000 spectateurs assistent le 4 décembre 1949 à la venue du Stade Toulousain.

Il faut cependant patienter jusqu’aux années 60 pour que l’USM s’affirme réellement sur la scène nationale. Amené par une formidable ligne d’avants, l’USM décroche le Bouclier de Brennus en 1967. C’est toute la ville qui attend à la gare leurs héros de retour de Bordeaux. On patiente on chante, les « SAPIAC, SAPIAC! »  raisonnent.

Plus court, plus incisif, le nom du stade est devenu le cri de ralliement du peuple vert et noir. Sapiac devient un symbole de l’identité montalbanaise. Rarement ailleurs, on ne constatera un tel lien entre le stade, la ville et ses supporters. Ici c’est le stade que l’on encourage, pas les joueurs ou le club.

Deux ans après cet unique titre, le club rétrocède à la municipalité les installations de son terrain pour un franc symbolique. Dix ans plus tard, le 2 décembre 1979 à l’occasion du seul match international jamais disputé à Montauban entre la France et la Roumanie (30-12), on inaugure la Tribune d’Honneur en face de la Présidentielle. Cette nouvelle structure remplace les anciens gradins en bois.

Aller Sapiac

Le rugby qui entame désormais sa mue vers le professionnalisme a besoin de nouvelles installations pour se développer. Déjà à la fin des années 80, la municipalité avait aménagé un club-house. En septembre 2000, l’éclairage est enfin inauguré, Sapiac étant le dernier stade du rugby professionnel à ne pas pouvoir disputer de rencontres en nocturne.

En 2001, le secteur professionnel prend le nom de Montauban Tarn-et-Garonne XV (MTG XV), signe des temps nouveaux. Reste que Sapiac est une modeste enceinte de 9 200 places, dont à peine la moitié sont assises, et sans loges. Le président montalbanais Patrick Bardot esquisse un Sapiac de 12 à 15 000 places entièrement assis et fermé qui doit pérenniser le club en Top 14.

Première étape à cet ambitieux projet, l’agrandissement et l’extension de la Tribune Présidentielle débutent en 2007, Sapiac y gagne un peu plus de 2 200 places assises. De nouveaux vestiaires et de nouvelles salles pour les sportifs sont également aménagés sous la tribune. Les accès et la toiture sont aussi revus.

D’un coût d’un peu plus de 5 M€, ce chantier au financement complexe pèse sur les finances du club. La dette du MTGXV se creuse chaque saison malgré de très bons résultats sur le terrain qui lui permettent de découvrir la H Cup en  2008. En avril 2010, le club dépose le bilan, avant que la DNACG ne décide sa rétrogradation administrative en fédérale 1.

C’est la fin du MTG XV et du rugby professionnel dans le département pour quelques saison. Sapiac, que s’était donné le club comme symbole de son identité, est devenu le fossoyeur de ses ambitions. Après 4 années au niveau amateur, le club retrouve pourtant la Pro D2 le 24 mai 2014 à l’issu d’une victoire sur Lille devant 10 000 supporters.

De retour dans le monde professionnel avec l’ambition de regoûter un jour à l’élite du rugby français, l’USM et la ville songent à de nouveaux aménagements pour les années à venir. Il est notamment question d’une nouvelle structure derrière l’un des en-buts et de rapprocher les tribunes déjà existantes du terrain pour porter la capacité de l’enceinte à 10 000 places assises.  L’emblématique piste pourrait en faire les frais. Mais Sapiac demeurera.

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*En réalité, le club existait déjà depuis 1901, mais sa fondation est reconnue comme datant de 1903

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Comments

  1. Erratum La photo « Sapiac dans les années 80 » est une photo du stade Venoix (un vélodrome aussi) à Caen et au fond c’est le stade Michel D’ornano antre du Stade Malherbe de Caen

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