La Fédération Française des Sports de Glace est un monstre. Elle broie des carrières, des sports entiers même. Avec ou sans Didier Gailhaguet à sa tête, elle sera incapable de faire fonctionner son attelage hétéroclite de sports en tout genre. Il n’y a qu’une seule chose à faire: demander sa disparition.
La Fédération Française de Patinage Artistique
Non, aucune fédération n’existe sous ce nom. Du moins pas encore. Pourtant à l’écoute ces derniers jours des grands médias on pourrait croire le contraire. Dans le scandale qui emporte la FFSG, il n’est question uniquement que de patinage artistique et de patineurs. Personne ne songe à donner la parole aux sportifs des autres disciplines de la fédération. La FFSG, c’est le patinage artistique et au diable tout le reste.
Fondée en 1941 à l’initiative du Régime de Vichy du regroupement des anciennes fédérations de Patinage, de Hockey et de Bobsleigh, la Fédération Française des Sports de Glace est pourtant bel et bien une fédération omnisports. C’est même celle qui regroupe le plus de sports en France, et pas loin d’être la plus prolifique en la matière en Europe. La FFSG compte 4 disciplines artistiques (Patinage, Danse, Patinage Synchronisé et Ballet) et le reste (Curling, Bobsleigh, Luge, Skeleton, Patinage de Vitesse, Short Track et depuis peu le Freestyle), dont on s’occupe quand il reste un peu de temps ou d’argent. A son plus grand bonheur, le Hockey s’en est enfuit en 2006
L’Artistique représente l’écrasante majorité des licenciés (85%). Pour les autres, c’est la dictature de la majorité, sans possibilité de faire entendre sa voix. Elles sont soumises au fait du prince qui daigne (ou pas) leur laisser un quignon à la table. Et le prince change souvent d’avis. Il a privilégié un temps la longue piste ou le short track. Aujourd’hui, le bob semble avoir ses faveurs. A chaque cycle olympique, tout est remis en cause sans aucune possibilité de travailler sur le temps long ou sur une politique de développement pérenne d’au moins un de ces sports. Résultat: rien n’existe en dehors des disciplines artistiques.
Pour la plupart olympiques, ces différents sports représentent pourtant près de 40% des épreuves olympiques (39 sur 102 épreuves à Pyeongchang). Si La FFSG avait la même réussite que la Fédération Française de Ski, la France pourrait facilement ajouter une dizaine de breloques supplémentaires à son total olympique et jouer l’une des trois premières places au tableau des médailles. Nous en sommes loin.
Au cours des quatre derniers olympiades (2006-2018), les sports de glace n’ont remporté qu’une seule médaille. Pire, dans toute l’histoire olympique, en dehors des disciplines artistiques, la FFSG n’a été médaillée qu’à une seule reprise (A Nagano en 1998, grâce au Bobsleigh bronzé de Bruno Mingeon). Le bilan comptable de la FFSG est désastreux. Indéfendable et inexcusable, contrairement à ce que voudrait faire croire la fédération.
Une routine bien huilée
A force d’échecs à chaque olympiade, Didier Gailhaguet et la FFSG ont su peaufiner un discours qui les dédouane de toute responsabilité: « Nous manquons de moyens, nous n’avons pas les infrastructures suffisantes, notre pays n’a pas la culture des sports de glace, et puis ces sports ne comptent que très peu de licenciés. Vous voyez bien, nous faisons ce que nous pouvons ».
Pour la plupart de ceux qui re-découvrent l’existence de ces sports tous les quatre ans, cette explication est généralement jugée satisfaisante:
Les + beaux domaines skiables ne sont pas des infrastructures.. Ce n'est pas ce qui fait des champions de short track, de bob ou u de luge; disciplines dans lesquelles nous sommes loin car nous avons 0 infrastructure. Les médailles manquantes sont là #Brunetmetrie #RMClive
— Maryse Éwanjé-Épée (@EwanjeEpee) February 22, 2018
Alors ok: les différents sports de glace ne sont pas des sports de masse. Bien sûr. Ils ne le seront jamais d’ailleurs. Peu d’infrastructures et quelques centaines de licenciés, oui, aussi. Mais, cette réalité n’est pas que française. Les sports dont on parle ici sont des sports de niche, partout*. Il n’ya a pas plusieurs dizaines de milliers d’Allemands qui s’élancent sur des pistes de bob aux quatre coins du pays chaque week-end. En réalité, la situation des sports de glace rappelle beaucoup celle du Biathlon d’il y a quelques années. Mais avec des résultats tout autre.
Quant à la culture des ces sports, elle existe, mais elle n’est ni reconnue, ni entretenue. Bruno Mingeon aurait pu par exemple devenir un fantastique passeur d’expérience pour le bob français, mais sitôt sa carrière terminée, il n’a trouvé aucune porte ouverte à la FFSG et est devenu entraîneur de Monaco.
Quant aux moyens et aux infrastructures, avant d’en demander de nouveaux, il conviendrait déjà d’utiliser ceux existant. Prenons l’exemple de la piste de La Plagne. Il n’existe que 10 pays (désormais 11 avec la construction de la piste de Pékin) dans le monde qui dispose d’une piste pour la pratique du Bobsleigh, de la Luge et du Skeleton. Sur ces 10 pays, tous font mieux ou beaucoup mieux que nous, sauf le Japon. La Grande Bretagne, qui n’a jamais eu la moindre piste a même réussi à glaner 9 médailles olympiques depuis 1992, l’Italie (qui n’en a plus depuis la fermeture de celle des Jeux de Turin), en compte 14. Dans ces disciplines, on fait beaucoup mieux ailleurs avec autant, et parfois, mieux avec moins.
C’est la même chose pour le patinage de vitesse, Gailhaguet peut bien expliquer à qui veut l’entendre que sans anneau de glace en France, rien n’est possible. Sauf que trois pays (la Belgique, la République Tchèque et l’Italie) qui n’en disposent également d’aucun sont pourtant revenus médaillés de Pyeongchang. Aux récents Jeux Olympiques de la Jeunesse à Lausanne, un patineur colombien a remporté une médaille d’argent dans cette discipline alors que la première piste de patinage de vitesse doit se trouver à 6.000 kilomètres de Bogota…
Le manque de résultats de ces sports n’est pas dû qu’à un manque de moyens ou d’infrastructures. Le problème premier de ces sports est avant tout celui de la FFSG et de son existence.
Merci l’Etat
« Un assemblage artificiel et strictement administratif qui interdit depuis des décennies tout progrès de l’ensemble». Voilà comment la fédération dirigée depuis plus de 20 ans par Didier Gailhaguet avait été décrite dans un rapport de l’Inspection Générale de la Jeunesse et Sports après les Jeux Olympiques de Sotchi durant lesquels sa gestion catastrophique du patinage de vitesse était apparue à la vue de tous.
Ce rapport préconisait l’autonomie des différents sports de la fédération. Rien n’a été fait. La véritable question (et le véritable coupable de cette situation) est en réalité là: pourquoi l’Etat et son Ministre des Sports conservent ce marriage incohérent de disciplines qui ne partagent rien, imposé il y à près de 80 ans et qui a montré décennie après décennie toute son incapacité à produire un quelconque résultat ?
Est-il si difficile d’imaginer au Ministère un nouveau modèle dans lequel les sports eux-mêmes décideraient de leur organisation et avec quels autres sports ils souhaiteraient éventuellement unir leur avenir ? En vertu de quel principe cette question existentielle pour les premiers concernés revient-elle à quelques fonctionnaires enfermés dans un ministère et qui n’ont jamais mis les pieds sur une piste de bob ou qui n’ont jamais assisté à un match de curling ?
A moins que ce soit l’extraordinaire difficulté à rajouter une ou plusieurs lignes lignes dans un fichier excel qui empêche le Ministère de mettre un terme à cet ensemble fait de bric et de broc ?
Le problème n’est d’ailleurs pas uniquement celui des sports de glace. Il ne concerne pas que la seule FFSG. On n’est plus critique de ce machin-là que des autres, car ses disciplines sont olympiques, et que la personnalité de son président éclaire encore un peu plus ses dysfonctionnements. Mais on pourrait poser la question du rink-hockey et de la fédération de roller, du water polo et de celle de natation, ou même du snowboard qui a été absorbé par fédération de ski.
C’est aussi une question de liberté. Quel sens à la liberté d’association quand on interdit à certains sports de se regrouper comme ils l’entendent ?
Quel que soit le sport, l’Etat ne devrait pas avoir le droit de décider quelle discipline peut avoir sa propre fédération, et à laquelle c’est interdit. C’est d’une parfaite interstice et la FFSG a suffisamment eu le temps de démontrer l’absurdité et l’inefficacité de cette disposition. Ce sont les acteurs du sport en question qui sont les seuls à même de répondre à cette question.
Une fédération Française de Bobsleigh, de Curling ou de Patinage de Vitesse n’auraient peut-être pas de meilleurs résultats que la FFSG. Peut-être ces sports sont destinés à rester dans l’ombre et ne jamais décrocher les lauriers olympiques. Mais, les sportifs et les dirigeants auraient au moins la satisfaction d’être devenus responsables de leur succès comme de leurs échecs. Ils en ressortiraient au moins grandis comme Homme. Le sport français dans son ensemble aussi.
*A l’exception sans doute du patinage de vitesse aux Pays-Bas