La naissance de Sauclières
Béziers au crépuscule du XIXe siècle. L’Angleterre et ses jeux sont encore loin. Ici, on pratique encore la barette, variation locale de la soule. C’est par des lycéens que se fera la transition entre le jeu du Docteur Tissié et le rugby. En 1903, une première équipe est formée autour du Football-Club Biterrois. Puis, c’est le Sporting Club Biterrois et le Midi Athletic Club qui s’unissent en 1911 pour former l’Association Sportive Biterroise. On retrouve autour du nouveau club Louis Viennet et Jules Cadenat, qui auront un impact décisif sur la vie du club.
C’est un terrain coincé entre les bords de l’Orb et le canal du Midi qui fera office à partir de 1913 de stade pour la nouvelle société. Là, à Sauclières, on aménage un terrain d’honneur pour les rugbymen, mais aussi un terrain annexe équipé d’une piste d’athlétisme et quelques courts de tennis. L’ASB est pensé comme un club omnisports, même si le rugby éclipse bientôt les autres sections.
Sur une initiative de Louis Viennet et de Jules Cadenat – de retour de Paris où il connut une brève carrière internationale au sein du SCUF —, l’ASB rachète le terrain des Sauclières en 1920. 200 000 francs sont nécessaires à l’opération. On les trouvera. Louis Viennet participe ainsi à hauteur de 20 000 francs. Mieux même, les anciennes tribunes en bois du concours hippique sont également rachetées.
La Finale de 1921
Si l’ASB n’est pas encore le Grand Béziers, Sauclières, grand, l’est déjà. Plusieurs demi-finales du Championnat de France s’y tiennent. Perpignanais et Toulousains s’y retrouvent même en 1921 à l’occasion de la première finale organisée par la toute jeune FFR. 20 ou 25 000 supporters se massent dans un stade qui ne devrait normalement en accueillir que la moitié. On s’arrache la moindre parcelle de tribune, de pelouse, de palissade. Le match se soldera par une victoire catalane sur le score de 5 à 0.
Les supporters des 2 équipes avaient envahi le stade six heures avant le coup d’envoi pour prendre d’assaut les places non numérotés. Des gradins de fortune faits de tonneaux de vin et de planches seront également aménagés à la va vite.
A partir des années 30, le Parc des Sports de Sauclières se modernise, s’agrandit. Des tribunes en dur garnissent les virages. Sauclières peut désormais accueillir entre 25 et 30 000 spectateurs sans avoir à grimper sur les panneaux publicitaires. Derrière l’intouchable Colombes, Sauclières est ce qu’il existe de plus impressionnant dans le rugby français. Pourtant,l’équipe première n’en est toujours pas à la hauteur. Seuls les juniors brillent. Ils seront sacrés champions de France en 1936.
Contrairement aux autres grandes villes languedociennes, Béziers, résiste plutôt bien à la tempête treiziste des années 30 (Béziers XIII ne vivra qu’une seule saison) , la citadelle biterroise tombe pourtant à la Libération. En 1945, c’est tout le club qui passe à Treize. Sauclières avec. Les derniers orthodoxes du quinze trouvent refuge chez les cheminots (ASC Béziers). En 1951, le club retrouve le chemin de la FFR.
Les manchots à Sauclières
Dans le même temps, la balle ronde tente également se s’imposer à Béziers et à Sauclières. En 1939, l’ASB ouvre une section football qui accède en D2 à la Libération (l’Entente Sportive Biterroise avait déjà tenté l’aventure professionnelle avant guerre). La cohabitation des deux sections au plus haut niveau ne se fait pas sans heurts. Un jour, Jules Cadenat, engueulera comme un chiffonnier l’entraîneur des footballeurs qui avaient osé faire fouler la pelouse de Sauclières à ses joueurs sans autorisation.
Pourtant, les rugbymen doivent s’incliner devant le fait accompli. L’ASB c’est aussi du football. Parfois du très bon même. Du 22 mai 1955 au 18 septembre 1957 les footballeurs biterrois restent invaincus à Sauclières durant 45 rencontres consécutives. Une performance qui ouvre à la section les portes de la première division. L’ASB sera relégué immédiatement. Pour cette unique saison en D1, Sauclières affichera ainsi une affluence moyenne de plus de 7 500 spectateurs.
Mais le football biterrois ne sera jamais en mesure de rivaliser réllement avec les rugbymen de l’ASB. La section est de plus en plus souvent conviée à pratiquer sur le terrain annexe ou au Stade de la Présidente à l’entrée de la ville. Les véritables amateurs du football se font rares, très rares, sur les bords de l’Ord. Pour la dernière rencontre de la saison 1972-1973, ils ne sont ainsi que 18 spectateurs payants à se donner rendez-vous aux guichets du Stade de la Présidente.
Le club entamera sa dégringolade au début des années 80 et disparaîtra tout à fait en 1990 avant de se reconstruire au sein de l’Avenir Sportif Béziers.
Le Grand Béziers
Alors que les footballeurs tentent de convaincre la ville aux charmes du ballon rond, les rugbymen entament leur course vers les sommets du rugby français. Déjà, le début des années 60 signe une première période faste. En 5 ans, le club accède à quatre reprises à la finale. De ces finales, seule celle de 1961 est remportée. Un prélude à l’aventure du Grand Béziers des années 70.
Dépositaire d’un jeu d’avant d’exception, le club biterrois marche sur le rugby hexagonal. La concurrence est réduite à néant. L’ASB est sacrée championne de France à 10 reprises de 1971 à 1984. Peut-être encore plus impressionnant, Béziers réalise trois « Grands chelems » en 1972, 1975 et 1977. A trois reprises, les 4 trophées du rugby français sont tous remportés la même année: Bouclier d’automne, Challenge Jules Cadenat, Challenge Yves du Manoir et Championnat de France.
Durant 25 ans, Sauclières reste une citadelle imprenable pour les équipes adverses. De 1959 à 1985, l’ASB ne s’incline qu’à 8 reprises sur sa pelouse. Chaque dimanche, ils sont au moins 5 000 à se retrouver en pèlerinage à Sauclières, une affluence record au regard de celle des adversaires. Toulouse, par exemple, peine à attirer à la même époque plus de 2 000 spectateurs aux Ponts-Jumeaux.
Les années 80, marquent la fin du Grand Béziers. La finale remportée de 1984 est la dernière disputée par le club. Pis, le club doit également quitter Sauclières, cœur du rugby biterrois depuis 70 ans. On propose au club une arène moderne, spacieuse, de 20 000 places. L’ASB ne peut y résister. A l’issue de la saison 1988-1989, Béziers délaisse Sauclières, au profit des seuls footballeurs de la ville.
Stade de la Méditerranée
En 1989, l’Association Sportive Biterroise fait donc la découverte d’une nouvelle enceinte: le Stade de la Méditerranée. Un stade de 20 000 places signé de l’architecte Jean Balladur (cousin de l’ex-futur Président de la République) et dont l’architecture en tout point atypique peut évoquer selon les points de vues aussi bien un coquillage qu’un ballon de rugby et pour d’autres, absolument rien.
La Méditerranée doit également permettre à la ville de Béziers d’accueillir sur son sol de grands événements, à commencer par les XXe Jeux méditerranéens censés se tenir en 1993 dans la région. Il n’en sera finalement rien, la ville refusant de financer une partie des coûts de l’organisation. Mais la Méditerranée en verra d’autres.
En 1991, le stade accueille une première fois la Coupe du Monde de Rugby à l’occasion d’une victoire française en phase de poule sur la Roumanie (30-3). L’événement majeur du rugby mondial reviendra encore en 1999 avenue des Olympiades, cette fois-ci, pour deux rencontres de phase de poule dont un Fiji-Namibie et une nouvelle victoire du XV de France sur le Canada (33-20).
Egalement, on peut citer la finale de la première édition du Challenge Européen et son duel franco-français entre Bourgoin et Castres (18-9). Une demi-finale de H-Cup entre Castres et le Munster (17-25) en avril 2002 avec à la clef un record d’affluence porté à 20 300 spectateurs. Une demi-finale du Championnat de France 1990 entre Toulouse et le Racing (14-21), ou encore la venue des All Blacks le 4 novembre 1994 pour y affronter une sélection du Languedoc-Roussillon.
Pensé pour porter le renouveau du rugby héraultais, le Stade de la Méditerranée sera de fait le fossoyeur de tous les espoirs de l’ASB – devenue AS Béziers Hérault -. Dès 1994, le club biterrois chute une première fois en Division 2, puis une deuxième en 1999, et encore en 2004. Suprême déshonneur, le club est même rétrogradé en Fédérale à l’issue de la saison 2008-2009. Des performances tellement éloignées des attentes des supporters qu’elles ne peuvent qu’alimenter la nostalgie de Sauclières, là où le club semblait invincible.
Tandis que son club chutait toujours plus bas, la municipalité biterroise menait à bien une série de travaux en 2006, 2007 et 2008. Ce sont d’abord 20 loges d’une quinzaine de places qui sont apparues dans les tribunes ainsi que 2 loges latérales de 41 places, puis une brasserie de 430 m² a été aménagée en tribune d’honneur, et enfin une bodega a été installée sous la tribune de face. Au sortir de ces travaux, la capacité de l’enceinte n’est plus de que 18 555 places, dont 16 110 assises.
Bonjour,
J’ai beaucoup aimé votre article. Je me présente, je suis doctorant en histoire du sport et mon sujet de thèse est l’histoire globale du club de Béziers. Serait-il possible de vous contacter pour de deux trois renseignements svp. Bonne journée