Le Stade Mayol a été inauguré le 28 mars 1920. Situé en plein cœur de Toulon dans le quartier de Besagne, à deux pas de la Rade et face à la Méditerranée, ce temple de l’ovale est depuis 100 ans le théâtre des exploits du Rugby Club Toulonnais (RCT).
Le RCT avant Mayol
C’est le Seynois Victor Marquet (dont le stade de la Seyne porte aujourd’hui encore le nom) qui initie Toulon à la pratique du ballon ovale avec la création en 1902 de l’Etoile Sportive Toulonnaise (EST). En 1907, le Stade Varois est fondé de l’union de l’EST et de dissidents de l’US Seynoise. Moins d’un an après sa création, le Stade Varois se mue en Rugby Club Toulonais suite au renfort de joueurs venus des Télégraphes et de la Marine. Au terme de sa première saison, le RCT est champion du Littoral après avoir battu en finale l’Olympique de Marseille.
Les matchs de ce RCT naissant se disputent pour l’heure sur un terrain du quartier de l’Escaillon, aux limites de la ville. Le dimanche, on se débarrasse des cordages de la corderie voisine qui l’encombre le reste de la semaine. Le club s’installe ensuite sur le Terrain des Amoureux derrière les abattoirs. Cette fois, ce ne sont pas les cordes qui l’encombrent, mais les eaux d’une rivière à l’humeur fantasque.
Après ces deux premiers terrains, le RCT fait le choix d’une friche parsemée d’oliviers, au sol rocailleux, située à la Marquisanne. Les arbres sont arrachés, les pierres enlevées, mais jamais on ne verra le moindre bout d’herbe. Ce qui fera dire au Biterrois Jules Cadenat : « Macarel! L’herbe pousse en dessous chez vous… »
La renommée de la Marquisanne dépasse bientôt les frontières du Littoral. Tiré au sort pour y disputer une rencontre des phases finales, l’USAP refuse de se rendre à Toulon. On dépêche sur la rade Charles Brennus, président de la commission rugby de l’USFSA. Il ne peut que constater l’état irréprochable du pré toulonnais. « Le match aura lieu ». Dès les premières charges des avants, la pelouse toulonnaise semble pourtant perde de sa verdure, puis bientôt on retrouve le sol rocailleux typique de la Marquisanne. De pelouse, il s’agissait en fait seulement d’herbes arrachées aux remparts de la ville et posées à même le sol de la Marquisanne par quelque ingénieux Toulonnais.
Un chansonnier du nom de Mayol
On s’était joué une fois de Charles Brennus, on ne l’y reprendrait plus. Il devient alors urgent pour le RCT de s’installer sur un nouveau terrain. En 1919, sur intervention de l’arrière Rieu, le grand nom du café-concert, et toulonnais de naissance, Félix Mayol accepte de devenir le parrain du rugby toulonnais. Il donne 50 000 francs pour aménager l’ancien Vélodrome du Port Marchand que le club loue pour 1 franc aux pouvoirs publics.
Dans ses mémoires publiées en 1929, Félix Mayol devait donner une raison à son action:
« A Toulon, où la jeunesse est particulièrement active et vigoureuse, nous n’avions pas le moindre terrain… Seul demeurait un vélodrome désaffecté, où nul n’allait jamais, qui ne servait plus à rien et qui me paraissait s’ennuyer autant que nos aspirants sportsmen… Alors, mon Dieu, c’était tout simple, j’ai acheté le vieux vélodrome ! J’y donnai moi-même le premier coup de pioche… »
Grand bienfaiteur du rugby toulonnais, Mayol devait encore longtemps aider le club en lui cédant les droits de ses chansons ou en organisant de superbes banquets pour les joueurs. C’est d’ailleurs en son honneur qu’un brin de muguet orne depuis 1921 le blason du club. Encore aujourd’hui un buste du chansonnier trône à l’entrée des Présidentielles. Félix Mayol s’est éteint en juin 1941.
Le premier coup de pioche du futur Stade Mayol est donné le 26 juillet 1919 en présence des différentes autorités politiques et militaires de la ville. La nouvelle enceinte d’un RCT désormais omnisports (athlétisme, football, tennis…) est inaugurée le 28 mars 1920 en présence du Maire Emile Claude et de Félix Mayol. C’est un cross qui ouvre les festivités, suivi d’une rencontre entre la nouvelle section football du RCT et le Stade Raphaëlois (0-4). Puis, le rugby clôture la journée, dans un match qui voit Toulonnais du RCT et Toulousains du TOEC se quitter sur un score nul (3-3).
20 000 spectateurs au pied la Rade
Mayol est dès son ouverture l’un des plus impressionnants stades de rugby de France. Plus de 20.000 spectateurs prennent ainsi place autour de la pelouse de Mayol le 26 mai 1922 pour la venue du champion de France le Stade Toulousain. La rencontre éclipse totalement la venue du Président de la République, M.Millerand, présent à Toulon le même jour pour visiter l’Arsenal…
C’est dans un stade situé en plein cœur de la ville qu’évoluent désormais les rugbymen toulonnais, Il n’y a pas d’autres exemple en France d’un stade situé si près du centre ville. Le « Temple de Besagne » n’est qu’à portée de drop du Cours Lafayette et des cafés du Port où les supporters se croisent et discutent à volonté et guère éloigné du Boulevard de Strasbourg et de ses brasseries, sièges alors des sociétés sportives Toulonnaises.
Le temps des inquiétudes
Pourtant, le stade est très tôt en danger. Dès l’année suivant son inauguration la municipalité par la voix de son premier adjoint Coulomb fait remarquer que le site où est implanté le stade peut être revendiqué à tout moment par la Chambre de Commerce pour mener à bien l’établissement d’une voie ferrée devant relier la gare au port de commerce. Certains pensent aussi refaire de Mayol un vélodrome. Finalement, la construction de la voix ferrée en 1935 ne fera qu’écorner l’enceinte toulonnaise.
En 1930, une tempête emporte les tribunes populaires. Devenue plus conciliante avec Mayol, la municipalité débloque le 29 mars une subvention de 120 000 francs pour rebâtir les tribunes. Le RC Toulon devra toutefois rembourser le prêt sur ses recettes guichets. Une chose aisée, le RCT est au sommet de son art. Après une première demi-finale en 1929, le club est sacré champion de France en 1931 en écartant en finale le LOU 6 à 3.
Après la municipalité, les éléments naturels, c’est au tour de la guerre de mettre en péril Mayol. Le 24 novembre 1943, d’importants bombardements alliés font 500 morts, endommageant une partie de la ville. Le stade Mayol n’est pas épargné, on dénombre 53 trous de bombes sur le terrain… La guerre achevée, il sera temps de rénover Mayol. En 1947, une nouvelle tribune achetée à La Ciotat est mise en place.
Mayol dans le giron municipal
Le stade, propriété du RC Toulon depuis son inauguration, est vendu à la municipalité en 1965. Les frais d’entretien sont devenus trop lourds à supporter pour le club. Les nouveaux propriétaires décident de rénover en profondeur l’enceinte. Mayol rouvre le 26 septembre 1965, les Toulonnais recevant pour l’occasion les Gallois de Newbridge. Grâce à l’action de la municipalité, l’enceinte se découvre une vocation culturelle, de multiples concerts y sont alors organisés. Les plus grands séjournent à Mayol, de Bob Marley à François Valéry (…), en passant par Bernard Lavilliers ou Johnny.
C’est d’ailleurs dans ce stade rénové que l’équipe de France fait ses premiers pas à Toulon le 26 mars 1967 contre l’Italie. Depuis, le Stade Mayol aura accueilli tout au long de son histoire, les plus grandes équipes nationales lors de leurs tournées: les All-Blacks, les Australiens ou les Barbarians.
Au début des années 80, le principal club de football de la ville, le Sporting Club Toulon s’apprête à monter en première division, Mayol est ainsi totalement reconstruit pour accueillir les footballeurs. Cinquante-cinq millions de francs sont nécessaires pour mettre l’enceinte aux normes. Le 7 novembre 1983, le SCT foule pour la première fois la pelouse des rugbymen. Il s’en suivra une longue cohabitation entre footballeurs et quinzistes, qui ne s’achèvera qu’avec la descente du SCT en National à l’issue de la saison 1993-1994. La présence des footballeurs à Mayol n’empêche cependant pas le RCT de connaître ses plus belles heures en accédant à quatre reprises à la finale du Championnat de 1985 à 1992 pour deux victoires en 1987 et 1992.
Dans les années 90, un centre commercial est attelé au stade, puis un parking est installé sous les tribunes. Ces travaux ne seront pas sans conséquence, conférant une physionomie plus qu’atypique à l’enceinte toulonnaise. Enfin, à l’été 2005, 750 000 euros sont investis par la mairie afin de remettre en état les tribunes et de réaménager des vestiaires. La capacité de la vénérable enceinte toulonnaise est alors de 13 700 places.
L’avenir de Mayol
Le RCT, redevenu un grand du rugby français dans les années 2000, la mairie de Toulon annonce le 23 août 2006 que le stade serait une nouvelle fois rénovée et sa capacité portée à 25 000 places, soit la plus grande capacité d’un stade dédié uniquement au rugby en France. Le maire, Hubert Falco, avance ainsi fin 2008 ou début 2009 comme date de fin des travaux. Depuis…
Après deux ans et demi d’étude (…), Hulbert Falco annonce en février 2009 qu’une telle rénovation coûterait quelque 73 millions d’euros, et enterre le projet. Mayol se contentera à l’avenir « d’améliorations raisonnables ». A ce titre, Mayol a depuis gagné deux nouveaux quarts de virages qui ont notamment permis de porter la capacité de l’enceinte à 18 200 places. Des travaux qui probablement annule la possibilité de construire un stade neuf de 20 à 25 000 places quelque part en dehors de la ville comme certains au club le laissaient suggérer.
En parallèle à ces travaux d’agrandissement et de modernisation, le RCT réussit durant la saison 2008-2009 ses premières délocalisations au Vélodrome. Des délocalisations devenue aujourd’hui une habitude. Chaque saison, les Toulonnais prenant désormais le chemin de Marseille pour l’une ou l’autre rencontre de championnat ou de Coupe d’Europe.
Enfin, il est à noter que les noms de chaque tribune du stade rendent hommage à un ancien joueur du RCT, aujourd’hui disparu. Ainsi, les tribunes surplombant l’ancienne voie ferrée portent le nom de Bonnus en souvenir de Michel Bonnus, ancien capitaine du club toulonnais. La Présidentielle porte le nom de Jules Lafontan, pilier du RCT fusillé par les Allemands à la veille de la libération de la ville. Les Populaires rendent, elles, hommage à Charles Finale, jeune pilier tragiquement décédé à la suite d’un match en octobre 1964. Enfin, les Secondes perpétuent le souvenir de « Gène » Delangre, flanker du RCT de 1920 à 1944 et décédé en 1970.