Samedi 2 septembre, Luc Dayan a présenté durant le congrès de la Fédération Française de Rugby à XIII son projet d’un nouveau championnat accolé à des clubs professionnels de Football et reprenant les frontières des nouvelles régions. Pourquoi, lancer un tel projet aujourd’hui et peut-il réussir ?
Un projet pas si neuf
Dans ses prémisses, le projet de Luc Dayan n’est pas sans rappeler feu la France Rugby League lancée en 1995 par le transfuge quinziste Jacques Fouroux. Déjà, le XIII proposait de renverser la table pour repartir de l’avant. Malheureusement, le projet trop vite lancé et directement en concurrence avec les débuts du PSG Rugby League en Super League devait tourner court laissant la fédération dans une situation précaire.
Plus près de nous, L’ancien dirigeant du LOSC avait été approché une première fois en 2012 par Nicolas Larrat, alors président de la fédération, pour relancer la discipline en France. Le projet proposait de mélanger fief treizistes traditionnels et nouvelles métropoles et devait être lancé en 2014. Hélas, le nouveau président Carlos Zalduendo issus des élections de novembre 2012 devait enterrer le projet, préférant notamment préparer le retour de son ancien club le Toulouse Olympique dans les championnats anglais.
De cette première collaboration, restera le souvenir d’une délocalisation unique d’un match international de XIII disputé entre la France et le Pays de Galles au Stade Bollaert devant près de 12 000 spectateurs
Une situation dans l’impasse.
Deuxième sport français a avoir tenté l’aventure du professionnalisme dès 1934 (du semi professionnalisme plus exactement), Le XIII professionnel français est aujourd’hui dans une impasse.
Plus de 10 ans après la création des Dragons Catalans et de leur intégration en Super League, le club perpignanais reste en effet le seul club professionnel français, et sa notoriété ne dépasse guère les Pyrénées Orientales
Le Toulouse Olympique, l’autre grand prétendant français au professionnalisme et à la Super League, a vu ses chances de voir son projet se réaliser considérablement amoindries lorsqu’en 2014 la Fédération anglaise a annoncé la fin du système des licences , système qui aurait pu permettre au club d’être directement promu en Super League.
Assuré d’un seul club professionnel, et sans aucune garanti à terme quant à de nouveaux débouchés, le rugby à XIII français est donc condamné au mieux à la stagnation à moins de créer lui même ces nouveaux marchés nécessaires à sa croissance. C’est ce à quoi cherche à répondre le projet de Luc Dayan.
1933, deuxième mi-temps
Si à priori, ce projet de Super XIII peut laisser perplexe, et si ses zones d’ombre sont encore immenses (financement, identité des équipes, joueurs, stades, etc.), il a au moins le mérité de la cohérence, il ne s’agit plus ici de ménager la chèvre et le chou comme en 2012, mais bien de proposer quelque chose d’entièrement neuf de bout en bout. Le pari semble insensé, mais le rugby à XIII peut puiser dans son histoire pour trouver des raisons d’y croire.
Lorsque le Rugby à XIII a débarqué en France grâce à l’effort de Jean Galia et de ses boys personne n’aurait pu imaginer que la discipline allait trouver un tel essor en si peu de temps. En quelques mois, des équipes se sont crées, des stades se sont élevées et des foules nombreuses on goutté à ce néo-rugby (jusqu’à 19 000 spectateurs pour une finale en 1939) . Les treizistes sont souvent convaincus qu’ils disposent du « Greatest Game of all ». Peut-être est_il temps de le démontrer à nouveau ?
In fine, la question à la quelle devra répondre le Super XIII est celle de la Loi de Say : En matière de spectacle sportif, l’offre crée t-elle sa propre demande ? Si en Amérique du Nord, la question a depuis longtemps été tranchée (y compris à XIII), en Europe et en France, la question reste en suspens.
Si tout va bien, nous aurons un début de réponse en 2019.
Le projet Dayan est, pour sûr, très ambitieux. Son grand mérite est de mettre en lumière des opportunités :
– du temps de jeu possible pour des joueurs des deux codes qui ont peu joué dans le saison
– des stades de foot et de rugby qui sont libres pendants l’été
Bref, il s’agit de créer des ponts entre le XIII, le XV et le football, plutôt qu’essayer de ne compter que sur soi.
La titanesque difficulté qui attends les porteurs de projet, c’est la création de 13 équipes avec staff, dirigeants, lieux d’entraînement, joueurs. Et surtout il faut conquérir treize publics. C’est loin d’être une mince affaire. Commercialement, il faut s’y prendre très à l’avance.
Si cette compétition commence avec un petit nombre d’équipes (par exemple, six), que TV et spectateurs répondent au rendez-vous, ce serait déjà une très grande réussite.