En l’an de grâce 2019, à peu près tout le monde s’accorde sur l’importance de retrouver au moins un second club parisien au plus haut niveau du foot français. Il y a 40 ans, l’état d’esprit était bien différent, et l’on songeait à fusionner l’ensemble des clubs parisiens sous un seul drapeau.
Plantons le décor
Le foot parisien des années 70 n’a rien de reluisant. En haut, on retrouve déjà le Paris Saint-Germain. Mais comme personne ne sait encore placer le Quatar sur une carte ou sait ce que Canal+ veut dire., le PSG est un club de deuxième partie de championnat qui évolue dans un Parc des Princes à moitié vide. Mais au moins est-il en première division.
A l’étage inférieur, on retrouve le Paris FC exilé au stade de la Porte de Montreuil qui joue devant une poignée de fidèles et tente chaque saison de sauver sa peau en D2. Ce n’est guère mieux au Red Star qui évolue aussi en deuxième division du côté de Sain-Ouen. Encore plus bas, reste le Racing qui ne cesse de se lamenter sur sa gloire perdue.
Parmi ceux qui pleurent le Racing d’antan, on retrouve Daniel Hechter, créateur de mode, accessoirement président du Paris SG et supporter du vieux club ciel et blanc. En mai 1977, il propose au président du Racing une association entre les deux clubs ou plutôt une absorption du PSG par le Racing. Le club évoluerait sous le nom du Racing, en porterait les couleurs, son siège social serait à Colombes, mais continuerait d’évoluer au Parc.
Un jeune maire dynamique
Evidemment, tout le monde n’est pas emballé à l’idée. A commencer par la ville de Paris et son maire tout neuf à peine élu en début d’année et premier maire élu de la ville depuis la Révolution: Jacques, ce Chirac, dit Jacques Chirac.
Ne rien connaitre aux choses du football, n’empêche pas notre bon Jacques de s’en mêler. En bon technocrate, il souhaite le regroupement de toutes les forces parisiennes (Paris SG, Paris FC, et Racing) pour créer une « super équipe » compétitive au plan national et international. Une idée déjà suggérée en 1974 par secrétaire d’État à la jeunesse et aux sports. L’histoire des clubs, les identités, les éventuelles rivalités entre les équipes ne sont jamais pris en compte dans ces histoires.
Pour arriver à ses fins, notre futur président à un argument de masse: l’argent. En 1977, les droits TVs et les revenus commerciaux sont nuls ou presque, les recettes billetterie sont les seules sources de revenus des clubs. Les recettes billetterie et les subventions, que Chirac promet de faire pleuvoir en cas d’accord entre les trois clubs.
« Je les ais assurées que la Ville ne lésinerait pas sur les moyens, à condition qu’il n’y ait qu’une seule grande équipe à Paris. Je les ai prévenues que je ne continuerai pas à payer n’importe qui pour faire n’importe quoi, n’importe comment. » Jacques Chirac
Philippe Seguin, qui lui connait un ou deux trucs sur le football, est nommé à la tête d’une commission chargée d’étudier la faisabilité du machin. Sans doute parce que Seguin s’y connaissait trop en ballon rond, Alain Juppé finira par le remplacer.
Aucun des présidents des trois clubs concernés n’est pourtant réellement enthousiaste. Mais leur dépendance à la mairie est telle qu’ils ne peuvent s’y opposer. Ce que Jacques veut, Jacques peut.
Du côté du groupement des clubs professionnelles (l’actuelle LFP), on est également partagé. Pour son président M. Jean Sadoul, cette fusion reviendrait « à vouloir obtenir un excellent bordeaux en mélangeant un bon vin de Béziers avec du vinaigre« . Même hésitation du coté de la 3F, comme on disait encore.
Paris II
Début 1978, le PSG est touché par une affaire de double billetterie, Daniel Hechter quitte son poste remplacé par Francis Borelli. Le club est fragilisé, d’autant plus que le PFC accroche à la surprise générale son ticket pour la première division. La fusion semble de plus en plus proche.
Le 16 mai 1978, les présidents des trois clubs en question donnent leur accord à une fusion qui doit être effective pour la saison 1979-1980.
Le saviez-vous ❓
En 1978, Jacques Chirac, maire de Paris, souhaite voir les trois clubs parisiens (Paris SG, Paris FC et Racing) fusionner. Les 3 clubs avaient d'abord donné leur accord.
Francis Borelli, président du #PSG : ⬇️ pic.twitter.com/TCmUk82RG2
— surlatouche.fr (@surlatouche_fr) May 20, 2019
En octobre 1978, la mairie annonce la création d’une société d’économie mixte entre la ville, le PFC et le Racing et Europe 1 présidée par Jean Luc Lagardère. Le nom de ce truc ? Paris 1, un nom qui sent bon l’énarchie à 10 kms et que Jean Luc Lagardère reprendra à son compte pour affubler son Racing quelques années plus tard. Dans ce mic mac, le Paris Saint n’apparaît pas. Oublié. Relégué. Peut-être en cause, la rivalité entre Europe 1 et RTL soutient historique du Paris Saint-Germain.
« Je veux bien accepter que le PSG vienne après le PFC par ordre alphabétique, mais il n’est pas question que nous devenions Paris 2.″ Francis Borelli
Nouveau revirement pourtant au terme de la saison 1978-1979, le Paris FC est relégué en deuxième division. Un coup du sort semble t-il suffisant pour que la ville de Paris change radicalement d’opinion. Constatant que « la coexistence des deux équipes de première division n’a pas été concluante« , le projet Paris I est enterré, le sort du Paris FC et du Racing avec.
Donné pour mort quelques mois auparavant, le PSG, désormais désigné comme unique représentant du football parisien à plus haut niveau, ressort comme le grand gagnant de cette affaire. Tout Paris lui est promis.
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