Stade historique de la Capitale des Gaules et du sport français, le Stade de Gerland a connu mile vies avant de devenir aujourd’hui l’antre attitrée du LOU Rugby.
Le sport à Lyon avant Gerland
Les sports athlétiques modernes naissent à Lyon dans les cours du Lycée Ampère. Ce sont d’ailleurs des anciens élèves de l’école qui fondent en 1890 la première association sportive de la ville: l’Union Sportive du Lycée Ampère.
En 1893, suit le FC Lyon (FCL), première société civile de la ville. Pendant une douzaine d’années ces pionniers (athlétisme et football-rugby principalement) exercent leurs talents sur divers terrains de Lyon ou de sa banlieue (Parc de la Tête d’Or, Caluire, Tir aux Pigeons, Croix-Luizet,…), mais sans jamais se fixer, si ce n’est à partir de 1899 sur la pelouse de l’Hippodrome du Grand Camp.
Dans le même temps, un second grand club omnisports voit le jour en 1898: le Racing Club de Lyon, une société née de la fusion du Racing Club de Vaise et du Rugby Club de Lyon. En 1900, le Racing devient le premier club lyonnais à se doter de ses propres installations, route d’Heyrieux (futur Stade de la Plaine, futur Stade Vuillermet). Là, il y trouve deux terrains entourés d’une piste circulaire en gazon de 750 mètres. Des courts de tennis et des vestiaires complètent l’ensemble. Le tramway s’arrête à 10 minutes.
Après avoir absorbé le Stade Lyonnais, le Philegie Club, puis le Cercle Sportif, le Racing forme en 1902 le Lyon Olympique. L’épithète Universitaire sera rajoutée en 1910, donnant ainsi naissance au LOU (Lyon Olympique Universitaire). Le club joue déjà déjà dans ses couleurs emblématiques rouges et noirs.
En 1907, le LOU doit pourtant quitter ses installations au profit du FCL qui ne tarde pas à imposer sa marque sur le rugby français. En 1910, le nouveau résident route d’Heyrieux est sacré champion de France en battant en finale le Stade Bordelais 13 à 8. Dans l’équipe championne de France, on retrouve l’international Georges Vuillermet qui léguera par la suite son nom à l’ancien terrain du Lyon Olympique.
Tandis que le FCL remporte ses premiers (et seuls) succès au plan national, le LOU retourne quelques saisons au vélodrome de Génas (inauguré en 1893) – qu’il avait déjà connu avant de s’installer route d’Heyrieux. Le club universitaire s’installe ensuite au début des années 10 dans le quartier du Cusset à Villeurbanne au Stade des Iris. Désormais les deux clubs majeurs de la cité ont chacun leurs propres installations, ce qui n’empêche pas la municipalité lyonnaise de mettre en chantier le projet de son propre stade.
Un Stade Municipal
Durant les années 10, l’idée même d’un stade municipal est encore toute neuve en réalité. A Lyon, comme ailleurs en France, la presque totalité des stades ou vélodromes sont le fruit de l’initiative privée. Grâce à l’action d’Edouard Herriot, maire de Lyon de 1905 à 1957 et membre du parti radical, Lyon sera la première grande ville à se doter d’un tel équipement. Le projet est lancé en 1913. Dans un premier temps, il doit permettre l’aménagement d’une section « sport et éducation physique » au cœur de Exposition internationale urbaine censée se tenir l’année suivante dans le quartier de Gerland.
L’idée d’un stade municipal s’inscrit également dans une politique d’hygiénisme et d’éducation populaire par le sport et l’éducation physique qu’Edouard Herriot résumera en une formul lapidaire : « construire un hôpital, c’est de l’assistance; construire un stade, c’est de la prévoyance ». Par ailleurs, le maire souhaite également faire jouer à sa ville « un rôle de capitale dans le domaine particulier de l’éducation physique et du sport, rôle qu’elle n’a jamais pu obtenir dans d’autres domaines ».
La réalisation de l’œuvre est confiée à l’architecte lyonnais Tony Garnier, auteur de nombreux travaux qui influeront notamment ceux du Corbusier Grand Prix de Rome, il se consacre essentiellement à sa ville natale, la dotant notamment de la halle Tony Garnier, de l’Hôpital Édouard-Herriot, et, donc, du Stade Gerland, ou plutôt du « Stade des Sports Athlétiques » comme il est encore appelé.
Les premiers coups de pioche sont donnés en décembre 1913. Devant l’impossibilité d’achever l’œuvre pour l’Exposition Internationale de 1914, seuls la piste cycliste, la piste d’athlétisme, et les vestiaires sont ouverts dans un premier temps. Durant la Guerre, le chantier se poursuit à un rythme plus lent, quelques centaines de prisonniers allemands mal encadrés, puis des travailleurs d’Extrême-Orient viennent prêter leur concours à l’ouvrage.
Alors que l’enceinte est opérationnelle depuis septembre 1919, il faut cependant attendre mai 1926 pour assister à l’inauguration officielle de ce stade de 35 000 places. De nombreux ministres sont conviés à Gerland par Edouard Herriot pour assister à la 48e fête fédérale des sociétés de gymnastique de France regroupant plus de 20 000 gymnastes.
Un stade antique en 1920
Si le stade Gerland est un chef-d’œuvre de l’architecture moderne en béton armé, il est aussi une réinterprétation du stade antique. L’enceinte est avant tout destinée à accueillir des courses de vélo, des compétitions athlétiques ou des réunions de gymnastiques ainsi que de grandes fêtes populaires et scolaires ou des défilés.
Le projet initial prévoyait d’ailleurs la construction d’une piscine, prélude au grand dessein de Tony Garnier qui rêvait d’une sorte de cité des sports avec courts de tennis, village pour athlètes, gymnase, etc.
Lyon et Gerland s’étaient d’ailleurs proposés pour accueillir les Jeux Olympiques de 1920 et de 1924, mais les souffrances infligées aux cités belges pousseront le CIO a confié l’organisation des Jeux 1920 à Anvers, et Paris sera préféré à Lyon quatre ans plus tard. Et comme la candidature de 1968 sera également un échec, Gerland ne connaitrra jamais le destin olympique que ses promoteurs avaient espéré.
En réalité, l’enceinte n’a rien d’un stade de football ou de rugby, comme on les verra apparaître dans les années 20 ou 30. Les gradins sont disposés loin de l’aire de jeux assurant une visibilité très aléatoire, et la pelouse tout à fait inadaptée se transforme le plus souvent à un véritable champ de patates. Que ce soit, le FCL, ou le LOU, aucun ne souhaite déménager pour le nouveau stade. Il n’a de toute manière pas été conçu pour eux.
Et le foot dans tout ça ?
Endormi sur ses premiers succès (participation du FC Lyon à la finale de l’édition initiale de la Coupe de France en 1917), le football lyonnais en ces années 20 et 30 évolue à l’ombre du rugby que ce soit du côté du Stade de la Plaine ou des Iris.
Seul, Jean Mazier, entrepreneur local, tente de réveiller le ballon rond lyonnais de sa torpeur. Par trois fois, il tente d’implanter un club professionnel dans la Capitale des Gaules. Par trois fois ce sera un échec. D’abord avec FC Lyon en 1933, puis avec l’AS Villeurbanne et enfin en tentant d’unir Villeurbanne et Lyon au sein d’un éphémère Lyon Olympique Villeurbanne (LOV).
Mais ces échecs successifs ont un mérite: il démontre qu’il existe un public malgré tout pour le football à Lyon. Malgré des résultats sur le terrain désastreux, le Stade des Iris a souvent fait le plein. Même un simple match de Coupe en 1935 entre le Red-Star et Marseille attirent 14 000 spectateurs au stade de Villeurbanne. Les portes du stade sont enfoncés, et les spectateurs s’entassent jusqu’au bord de la pelouse. Les Lyonnais ne sont pas immunes au virus du football.
La presse locale s’interroge d’ailleurs de voir la foule qui se presse « à l’autre bout de Lyon », alors que dans le même temps « un pauvre géant, le Stade Municipal et ses 40 000 places présentait son aspect habituel de Sahara ».
L’Olympique Lyonnais
Football professionnel à Lyon, quatrième épisode. Le Lou, désormais présidé par Félix Louot, négociant en chaussures qui engloutit une partie de sa fortune dans le club, rejoint les rangs professionnels en 1942, avec cette fois-ci de véritable succès sportifs: Le LOU est sacré champion de la Zone Sud en 1945. Le football professionnel est enfin lancé à Lyon.
Seulement, au LOU, le sport roi reste le rugby. En 1950, le football décide de voler de ses propres ailes sous le nom de L’Olympique Lyonnais (OL). Le 9 juillet, le conseil municipal accepte de louer au nouveau club le stade municipal de Gerland, et c’est ainsi que le 26 août 1950, l’OL dispute sa première rencontre officielle au stade Gerland. 3 000 personnes assistent à cette rencontre de deuxième division. L’OL continuera cependant à évoluer de temps en temps au Stade des Iris.
D’ailleurs, les anciens joueurs du LOU regretteront longtemps l’enceinte des Iris (8 000 places environ alors), l’ambiance y était plus chaude, et les tribunes beaucoup plus proches malgré sa piste d’athlétisme. Pour André Lerond, ancien joueur de l’OL des années 50:
« A l’époque, Gerland, c’était le stade antique, le stade grec. C’était tout, sauf un stade de foot. Il y avait une piste cycliste autour, qui n’a presque jamais servi. Il y avait aussi une piste d’athlétisme autour du terrain ; un terrain qui servait à la fois pour le rugby et pour le foot. Il y avait 8 ou 10 000 spectateurs à chaque match, bien que les installations soient très primaires. Car le stade était déjà vieux à cette époque. La condensation ruisselait sur les murs des vestiaires ! »
Mais rapidement, Gerland devient le jardin exclusif de l’OL qui délaisse la pelouse des Iris au profit des seuls rugbymen du LOU.
Un Stade de Football
Suite à l’installation définitive de l’OL à Gerland, la fantasmagorique stade antique se transforme petit à petit en stade de football. Déjà en 1954, un rapport du conseil municipal permet de couvrir une partie du stade; trois ans plus tard, une tribune en bois de 2 000 places est installée en vue du derby contre Saint Etienne. En 1961, alors que Lyon est ville candidate aux Jeux de 1968, il est envisagé un temps de faire de Gerland un stade sur deux étages de 85 000 places !
Mexico est choisie pour accueillir les Jeux, le projet n’aboutira donc pas, mais la décision de détruire la piste de cyclisme de 666m, qui n’avait jamais eu les faveurs des cyclistes mondiaux, est prise, et en 1969, deux nouvelles tribunes de 9 000 places sont inaugurées sur les décombres (Tribune Jean Jaurès et Jean Bouin), tandis que les virages sont aménagés. La capacité du stade est alors d’environ 50 000 places.
C’est dans cette configuration que Gerland connait son record d’affluence à domicile. A l’occasion d’un derby face à Saint Etienne, le 9 septembre 1980, ils sont 48 552 spectateurs payants à se presser à Gerland pour assister au match nul entre Gones et Verts (1-1). Selon certains, 5 000 supporters sans billets supplémentaires (principalement stéphanois) seraient également parvenus à assister au match.
Gerland partout
A l’occasion de l’Euro 84 – Gerland accueillera deux rencontres, dont une demi-finale –, de nouveaux travaux sous la direction de l’architecte René Gagès permettent d’accroître encore la capacité du stade.La piste d’athlétisme est supprimée permettant d’abaisser les virages et les tribunes de quelques rangs. Théoriquement, Gerland peut dorénavant accueillir 51 860 supporters. cette capacité ne sera jamais atteinte, le record d’affluence de 1980 tenant encore aujourd’hui.
L’œuvre de Tony Garnier, dont la nature avait déjà été bien altérée, allait connaitre son évolution finale avec la Coupe du Monde 1998. Lorsque le 14 octobre 1994, le stade Gerland est désigné comme site hôte de la Coupe du Monde, la municipalité se lance dans un concours visant à la rénovation de Gerland. Des cinq projets présentés, celui du local Albert Constantin et de l’Atelier de la Rize retient la préférence de la municipalité.
Des tribunes semi-sphériques à double étage et couvertes viennent remplacer les anciens virages, les grillages sont éliminés et les loges des tribunes latérales sont refaites. Les travaux, qui s’étalent de juillet 1996 à avril 1998 (inauguration le 7 avril), s’élèvent à plus de 213 millions de francs, financés pour plus de la moitié par la ville de Lyon (54%). Si le confort et la sécurité du site s’en trouvent renforcés, la capacité, elle, chute à 42 000 places.
Gerland qui aurait du accueillir une rencontre du Mondial 1938 – le 8ème de finale entre la Suède et l’Autriche devait se tenir à Lyon mais a du être annulé suite au forfait de l’Autriche du fait de l’Anschluss – n’accueille ainsi sa première rencontre de coupe du Monde que 60 ans plus tard à l’occasion d’un Corée du Sud-Mexique (1-3) disputé devant 39 133 spectateurs. Cinq autres rencontres devaient se succéder à Gerland, notamment le quart de finale entre la Croatie et l’Allemagne (victoire croate 3-0). Une expérience mondiale dont Gerland retrouvera le gout à l’occasion du mondial de rugby 2007.
Le Matmut Stadium Gerland
Champion de France sept fois consécutivement de 2002 à 2008, l’OL des années 2000 est intouchable. Le public suit avec des taux de remplissages proches de 100%. Dès lors la question de l’agrandissement de Gerland se pose.
Pour autant, une telle extension est rendue très compliquée notamment à cause des façades de l’enceinte – derniers vestiges de l’œuvre de Tony Garnier et classées monuments historiques depuis 1967. Ces difficultés techniques et les limites commerciales de Gerland poussent le club à opter pour nouveau stade – privé – de 60 000 places qui sera construit dans la communes de Decines. Après de multiples retards, le Groupama Stadium ouvre ses portes en janvier 2016, l’OL faisant ses adieux à Gerland le 17 décembre 2015 à l’occasion d’un match de la Coupe de la Ligue face à Tours (2-1).
Ce départ des footballeurs L’OL ne signifie pour autant pas la fin du sport de haut niveau à Gerland qui y sont remplacés depuis 2017 par les rugbymen du LOU. Le club associé au groupe GL Events investit par la même occasion près de 40 millions d’euros pour redonner une nouvelle jeunesse à l’ouvre de Tony Garnier. Les deux tribunes latérales Jean Jaurès et Jean Bouin sont ainsi revues, le confort des spectateurs est amélioré, de nouveaux espaces réceptifs sont crées et le stade se pare des couleurs de club. Dans le même temps, la capacité de Gerland passe à 35 000 place.
Un nouveau Gerland, mais aussi un nouveau nom: le Matmut Stadium Gerland.
Bonjour,
Votre article « Histoire du stade de Gerland » est vraiment complet. L’architecture visionnaire pour l’époque, les dates etc.
On retrouve l’historique de tous les clubs qui ont marqué la ville dont certains sont indéboulonnables et présents dans le sport de haut niveau.
Aujourd’hui, le stade s’est modernisé tout en gardant son charme d’antan. Un très beau monument !
Cordialement
Michel Salmon
Merci pour cet article qui garde le tresor de l’histoire de gerland. Le 06 novembre les bad gones retrouveront le virage nord pour feter leur 35 ans et honorer encore une fois ce stade a jamais dans nos coeurs de lyonnais.