Annoncée récemment, la réforme du championnat de Fédérale 1 se propose de revenir à une formule proche de ce qu’il se faisait jusqu’en 2016. Cette énième proposition ne répond que de manière superficielle au problèmes de la division
Une contexte dépassé
Le terme ‘Fédérale 1’ apparaît dans le rugby français à la rentrée 2001-2002. Cette nouvelle division a pour but de remplacer à la fois le mouroir dit ‘Promotion Nationale’ ou « Elite amateur » qui n’aura subsisté qu’une seule saison et la Nationale 1 et ses 48 clubs. Sa mise en place est parallèle à celle de la Pro D2. A cette date, le rugby français compte officiellement 32 clubs professionnels, mais dans les faits , seule une partie des clubs de Pro D2 le sont réellement (certains budget dépassent à peine le million d’euros). Aucun club de fédérale ne s’approche de près ou de loin du professionnalisme.
Avance rapide en 2018. La situation n’a plus grand chose à voir. Tous les clubs de Pro D2 présentent un budget d’au moins 4 M€, et une partie croissante des clubs de fédérale n’en est pas loin. En une quinzaine d’années, le nombre de clubs pros – ou quasi pros – a doublé passant d’un peu plus de vingt à près d’une quarantaine.
Pour autant, la structure des championnats (Top 16/14, Pro D2, Fédérale 1) est restée à peu de chose près celle de 2002. De fait, la question du professionnalisme s’est déplacée passant de la Pro D2 à la fédérale 1. A la différence près, que si l’on pouvait raisonnablement penser en 2002 que la Pro D2 avait vocation à devenir entièrement professionnelle, ce n’est évidemment pas le cas de la fédérale 1 en 2018.
C’est désormais au niveau de la fédérale 1 que la question devient critique, et la Fédération qu’elle soit à la mode Camou ou Laporte ne semble pas savoir y répondre.
La recherche de l’emplâtre dorée
Durant ces 15 ans, le gouffre entre clubs semi-professionnels et clubs pros ou à vocation professionnelle n’a eu de cesse de s’accroître. Durant la saison 2015-2016, l’USO Nevers à ainsi frôlé à deux reprises la barre des 100 points inscrits (89 contre Agde, et 94 face à Mauléon). Une éclatante domination sans garantie de montée pour autant, puisque le club bourguignon fut éliminé cette année-la par Massy en barrage.
De peur de renverser la table mais consciente de incompatibilité entre ses clubs professionnels et le reste, la Fédération à proposé en 2016 un entre-deux qui a crée plus de problèmes que de solutions. A l’orée de la saison 2016-2017, une poule « Elite » a été ainsi inaugurée, elle seule offrant la possibilité d’accéder en Pro D2. En deux saisons marquées par les dépôt de bilan, les rétrogradation administratives et les renoncements aux phases finales, cette division s’est avérée un véritable désastre (administratif du moins).
Quant aux clubs de Fédérale restant, ils se sont contentés d’un championnat « Dit de fédérale 1, mais en fait pas vraiment ». Vendeur. Tellement vendeur, que la finale, cette année, se jouera à Marcoussis. En 2013, la finale de Fédérale 1 s’était disputée à Gerland devant 21 858 spectateurs. Porté notamment par le rejet de cette formule, le nouveau président de la FFR Bernard Laporte propose aujourd’hui de supprimer cette poule élite.
Dès la saison prochaine, les quelques clubs à vocation professionnelle seront répartis dans des poules régionales avec le restant des clubs de Fédérale. La seule question étant de savoir quel sera le premier club professionnel à franchir la barre des 100 points. Leur éventuelle accession au monde pro se jouant en fin de saison sur un coup de dès.
Pour les autres, l’objectif sera de finir dans les 6 pour jouer des phases finales dénuées d’à peu près tout intérêt. La Fédération leur donnera peut être le nom d’Yves du Manoir, histoire de cacher leur complète vacuité. Mais personne ne sera dupe. Pour l’année prochaine, nul besoin de réserver Marcoussis pour accueillir la finale, le terrain annexe devrait suffire.
Trouver du sens
Il existe une question que le sport rugby français se refuse de se poser: « Des championnats, oui, mais pour quoi faire ? Ah, mais si, c’est bien sur, pour faire des pyramides, voyons ». Dans le sport français, il est coutume de construire des formules de championnat à priori et de se demander dans un second temps ce qu’on pourrait bien mettre dedans. Si en plus, on peut les imbriquer les uns dans les autres pour construire une superbe pyramide virtuelle, c’est encore mieux.
La question mérite d’être renversée. D’abord comprendre pour quoi et pour qui on construit des championnats et ensuite travailler sur la meilleure formule.
Les championnats de Fédérale ont une vocation toute trouvée, celle de faire vivre le rugby là où il ne peut pas être professionnel, mais là où il n’est déjà plus amateur. Par quelle loi divine, ces championnats devraient également faire office de « sas » entre mondes amateur et professionnel ? Pourquoi ne peuvent-ils pas se suffire à eux mêmes ? Quel décret interdit à un championnat de s’auto-définir ?
C’est encore plus absurde si l’on veut bien considérer que dessiner une carte possible du rugby professionnel est une chose assez facile. Il y aura bien quelques points d’interrogations, des cas à la marge, oui, bien sûr. Mais on ne construit pas un championnat et le futur de dizaines de clubs sur quelques points d’interrogation.
La solution – on y vient – pour remédier aux problèmes qui gangrenèrent ce championnat est double:
- Augmenter le nombre de clubs admis en Pro D2 pour qu’il correspondent peu ou prou au nombre de clubs à vocation professionnelle (20-22 dans un premier temps, puis autour de 26)
- Mettre fin à la promotion sportive entre le monde non pro et le monde pro.
Les quelques clubs déjà pro ou quasi-pros (Aix, Albi, Bourg…), ceux qui ont vocation à les suivre à plus ou moins brève échéance (Rouen, Strasbourg, Bourgoin…) n’ont rien à gagner à joueur leur avenir sur le près (si ce n’est à prendre le risque d’éclater en route comme Lille), le succès sportif sur l’année n-1 ne pouvant aucunement faire preuve de garanti quant à l’éventuel succès dans le monde professionnel. Ces clubs ont leur propre logique de développement, ils n’ont pas besoin de la Fédérale 1 pour la mener à bien.
Pour les autres clubs de Fédérale 1 la question du professionnalisme ne s’y pose pas. Tyrosse, la Seyne ou Niort (potentiel économique et démographique, concurrence locale et d’autre sport) ne seront jamais des clubs professionnels viables et n’ont également rien à gagner à la situation actuelle, si ce n’est de concourir pour des places d’honneur, et des compétitions dénuées d’intérêt qui auront tôt fait de lasser public et partenaires.
Maintenir la charade du « professionnalisme pour tous » où l’on fait croire à Pierre, Paul ou Jacques que eux aussi, demain, ils pourront être professionnels revient à se moquer du monde et n’est bénéfique pour personne.
Empêcher la promotion sportive en Pro D2, c’est empêcher la professionnalisation de la Fédérale 1, c’est donner la chance à ce championnat de retrouver son intégrité, son intérêt. Sinon, habituer-vous à naviguer de formule merdique en formule merdique et à prendre des abonnements pour Marcoussis.