De Henri-Jooris à Grimonprez-Jorris c’est près d’un siècle de football lillois qui se déroule.
Le Stade Victor Boucquey
Alors que l’on joue déjà au football à Roubaix ou à Tourcoing, ce n’est qu’en 1898 que le premier club lillois voit le jour suite à la fondation de L’Iris Club Lillois. Suivent rapidement le Stade lillois, le Football Club Lillois (1899), puis l’Olympique Lillois en 1902.
Après s’être aventuré sur le vélodrome de la ville, L’Iris Club inaugure en octobre 1902 ses propres installations aménagées avenue de Dunkerque en bordure de Deûle à Lambersart. Devenu Iris-Stade Lillois suite à une fusion en 1903, le club dispute ses dernières rencontres avenue de Dunkerque durant l’hiver 1908. Le club, ou ce qu’il en reste, est ensuite absorbé par L’Olympique Lillois qui en profite pour récupérer les installations du club à Lambersart.
L’Olympique y gagne également une section hockey sur gazon qui partageront encore un temps la pelouse du stade avec les footballeurs. Les hockeyeurs y remporteront d’ailleurs trois titres nationaux au début des années 20,
L’Olympique Lillois s’impose dès lors sur la scène la scène régionale, puis nationale en étant sacré vice-champion, puis champion de France USFSA en 1914. Le club compte de nombreux joueurs internationaux et est régulièrement invitée à se produire à l’étranger, en Allemagne, en Belgique et même en Angleterre.
Le 25 janvier 1914, le terrain de l’Olympique Lillois fait office de théâtre pour une grande première. Enfin, l’Equipe de France dispute une rencontre en Province. 4 813 spectateurs assistent à la victoire des joueurs français 4-3 sur la Belgique.
Petit à petit, le stade voit sa capacité portée à environ 20 000 places, tandis que dans les années 20, on le baptise du nom de Victor Boucquey, vice-président d’Honneur du club lillois.
Le football lillois franchit un palier définitif en 1932 en prenant part au premier championnat de France professionnel en 1932 en compagnie du SC Fivois. Champion du groupe A, l’OL décroche le premier titre professionnel du football français en battant Cannes en finale à Colombes sur le score de 4 à 3. Encore en 1936, l’OL est sacré vice-champion de France.
En 1938, l’enceinte lilloise est désignée pour recevoir un quart de finale de la Coupe du Monde. Devant 18 000 spectateurs, les Hongrois y décrochent leur ticket pour le dernier carré en se défaisant de la Suisse 2 à 0.
A la Libération, les deux grands clubs professionnels de la cité décident leur fusion. L’Olympique Lillois et le SC Fivois donnent ainsi naissance le 23 septembre 1944, ai Stade Lillois, bientôt rebaptisé en Lille Olympique Sporting Club (LOSC), la première nomination ayant été jugée trop « anonyme ». Pour l’heure, le LOSC joue le jeu de l’alternance, évoluant alternativement entre le Stade Victor Boucquey et le Stade Virnot, ancien stade du SC Fivois.
Le Stade Henri-Jooris
Si l’année 1946 est celle des premiers exploits du LOSC(doublé coupe-championnat), elle est également marquée par un terrible incident. A l’occasion du derby entre Lillois et Lensois du 17 février 1946, 30 000 personnes cherchent à assister à la rencontre dans un stade qui ne peut guère en accueillir plus de la moitié. Les portes de l’enceinte cèdent, des milliers de spectateurs se réfugient sur les toits des toitures. Les « premières » s’effondrent. Miraculeusement, aucun mort n’est recensé, mais des dizaines de blessés sont transportés dans les hôpitaux de la ville.
Suite à la catastrophe, l’enceinte ferme ses portes, elle sera entièrement rénovée. Le stade rouvre le 31 août 1947 à l’occasion d’un derby entre le LOSC et l’US Tourcoing. On profite également de cette réouverture pour rebaptiser le Stade Victor-Boucquey du nom d’Henri-Jooris, en hommage à l’ancien président de l’Olympique Lillois de 1910 à 1932, et décédé en 1940. Rénové, le stade est également agrandi pour revoir 30 000 supporters. Le 5 mars 1950, ils seront ainsi 28 813 à assister au match nul entre Lillois et Racingmen, un record d’affluence qui ne sera jamais battu.
C’est désormais uniquement dans ce stade que s’écrira l’histoire du LOSC qui délaisse définitivement le Stade Virnot. A Henri-Jooris, le LOSC évoluera durant une décennie au sommet du football français. Champion de France en 1954, il remporte également les Coupes de France 1948 et 1953, et atteint à 4 reprises la deuxième place du championnat. Suivront 25 années de disette marquées par les problèmes financiers, des descentes et des remontées successives, et même une perte du statut professionnel en 1969. Il faudra tout l’investissement personnel de certaines célérités (Guy Lux ou Annie Cordy) pour que le club ne disparaisse pas tout à fait.
Son avenir financier enfin assuré au début des années 70, le LOSC doit pourtant rapidement faire face à un nouveau défi: la condamnation à mort de son Stade Henri-Jooris, promis à une destruction certaine pour permettre la dérivation de la Deûle. La mairie se veut rassurante et promet dès 1974 la construction d’un nouveau stade: le Stade Grimomprez-Jooris. 12 216 spectateurs assistent aux adieux à Henri-Jooris conclus sur une victoire du LOSC sur Lyon (2 à 1).
Un projet né dans l’urgence
Disposant de très peu de terrain disponible pour construire cette nouvelle enceinte, la municipalité opte pour un petit stade d’athlétisme posé à quelques centaines de mètres du Stade Henri-Jooris. Point qui se relèvera particulièrement important par la suite: le terrain de la future enceinte du LOSC côtoie la citadelle de la ville construite par Vauban au XVIIe siècle et classée monument historique depuis 1934.
Le permis de construire délivré en février 1975, seul le nom de la future enceinte fait encore débat. La mairie souhaite saisir l’occasion pour rendre hommage à Félix Grimonprez, ancien joueur de hockey sur gazon lillois international à 50 reprises et mort au champ d’honneur en 1940. Le club s’y refuse et souhaite conserver le nom d’Henri-Jooris, son ancien président. Un compromis sera finalement trouvé sur la base de « Grimonprez-Jooris ».
Les travaux sont dès lors menés à bon train par l’architecte lillois Pierre-François Delannoy. Le stade est inauguré le 28 octobre 1975 à l’occasion d’une rencontre amicale entre le LOSC et Feyenoord de Rotterdam (1-1). Pierre Mauroy, maire de la cité préside la cérémonie d’ouverture à laquelle de nombreux officiels assistent. Pierre Mauroy a de quoi être soulagé, « son » stade a pris de vitesse celui de la Communauté Urbaine, le Stadium Nord Lille Metropole, qui ne sera inauguré qu’en mai 1976. La construction en parallèle de ces deux stades se sera déroulée sur un fond de guère larvée entre les deux collectivités.
Grimonprez-Jooris au tournant du millénaire
Si le LOSC profite de ce nouveau stade pour se stabiliser en Division 1, le football lillois est encore très loin de retrouver les années fastes qu’a a connu le LOSC durant les années 40 et 50. Au mieux, le club atteint la sixième place du championnat en 1991. A l’issue de la saison 1996-1997, il retrouve néanmoins l’étage inférieur.
A l’issue de la descente, la mairie demande aux dirigeants du LOSC de préparer une future privatisation du club. Ce sera chose faite en décembre 1999, l’accord prévoyant notamment la construction à terme par la municipalité d’un nouveau stade répondant aux critères UEFA. Autour de ce nouveau projet, Lille retrouve pied en 2000 en Division 1 et décroche même un ticket européen l’année de la remontée. La C1 suivra l’année suivante.
Pour ce retour au premier plan, le LOSC dispose d’une enceinte qui ne peut plus guère accueillir que 17 000 spectateurs, notamment depuis le passage d’une partie des tribunes debout en configurations assises. Durant l’intersaison 2000, la seule tribune non couverte se rehausse d’un étage. Ce sont 21 128 supporters (14 435 assis) qui peuvent ainsi assister aux retrouvailles du LOSC avec la première division.
Des travaux peut-être suffisants pour la D1, mais certainement pas pour la Ligue des Champions. Commence alors la transhumance européenne lilloise qui conduira les nordistes au Stade Félix Bollaert puis au Stade de France. Après avoir prospecté la possibilité d’un stade de 60 000 places sur la base d’un partenariat public-privé, le président du LOSC, Michel Seydoux finit par accepter en juin 2003 le compromis de la municipalité qui propose la reconstruction de Grimonprez-Jooris et son extension à 33 000 places. La livraison de l’enceinte étant prévue pour la fin de l’année 2004.
Grimonprez-Jooris II
La livraison de ce nouveau Grimonprez-Jooris, ce Grimonprez-Jooris II, est repoussée dans un premier temps à septembre 2006, son financement passant entre-temps des mains de la mairie à celles de la Communauté Urbaine. L’architecte Albert Constantin est cependant engagé, il imagine une enceinte de 33 003 places se fondant au mieux dans le cadre de la citadelle. Les travaux doivent débuter au début de l’année 2005.
Le 15 mai 2004, le LOSC dispute contre Bastia son dernier match de la saison à Grimonprez-Jooris. Tandis que le club prend ses quartiers au Stadium Nord, il espère alors retrouver dans les deux ans son vieux stade complètement reconstruit. Le LOSC ne devait plus jamais fouler la pelouse de Grimonprez. L’histoire retiendra que Matt Moussilou sera le dernier buteur de l’enceinte, qui ferme ses portes sur une dernière victoire lilloise disputée devant 14 161 spectateurs.
Le projet de Grimonprez-Jooris II se heurte ainsi à la résistance acharnée de deux associations (« Sauvons le site de la citadelle » et « Renaissance du Lille ancien »), qui sous couvert de défense du patrimoine, n’espèrent pour certains rien de moins que déloger le football de ce site proche du centre-ville, dont la population bourgeoise ne goutte guère à ce spectacle.
Quelques que soient les motivations réelles de ces associations, leur première plainte devant le tribunal administratif est déboutée en décembre 2004. En dernier recours, elles se tournent ensuite devant la cour administrative d’appel de Douai qui leur donne gain de cause en juin 2005. Le permis de construire est suspendu. Les différents recours menés par la cité lilloise n’y feront rien. Grimonprez-Jooris II ne verra jamais le jour. Le projet aura pourtant couté quelque 6 millions d’Euros aux contribuables lillois (frais du cabinet d’architecture, dédommagement des entreprises choisies par le cahier des charges et frais de justice).
Abandonné depuis 2004, Grimomprez-Jooris aura longtemps attendu que l’on se charge de sa destruction, dont on ne savait pas bien qui pourrait s’en charger. Le 22 mars 2010, les pelleteuses sont enfin entrées en action. La Citadelle est sauve, le sport, moins.