Abandon du Super XIII, échec de la mendicité

Il y a deux ans, j’ouvrais ce blog en me demandant si le projet Super XIII pouvait être une réussite. Aujourd’hui nous avons la réponse: négative. Le projet ne va même pas se lancer. Il est mort-né, abandonné car les quinzistes sont des gens indignes qui refusent d’offrir leurs joueurs à un sport concurrent.

Vaporware

En 2012, l’ancien dirigeant du football français avait été approché une première fois par Nicolas Larrat, alors président de la fédération treiziste, pour relancer la discipline en France en créant une nouvelle compétition qui aurait mélangé fiefs traditionnels et nouvelles métropoles. Enterré une première fois en 2013, ce projet avait été ressuscité par le nouveau président de la FFRXIII Marc Palanques lors du congrès annuel de la fédération en 2017 sous des traits un peu différents mais en gardant le même objectif.

Il s’agissait alors de fonder un championnat de provinces construit autour des 13 nouvelles régions métropolitaines et éventuellement adossé à des clubs professionnels de foot. La compétition aurait dû débuter en 2019 et se serait déroulée en été. Les fonds nécessaires pour lancer le Super XIII étaient estimés à 15 millions d’euros et on aurait fait massivement appel à des quinzistes en quête de temps de jeu pour remplir les rangs. L’annonce du projet avait eu son petit retentissement et le Super XIII avait eu droit à quelques papiers dans la presse nationale (Le Monde, L’Equipe…).

Pourtant un après son lancement, rien n’avait encore filtré. Aucune nouvelle, aucun bruit de couloir qui auraient pu laisser penser que le projet était encore d’actualité, jusqu’à ce que la compétition réapparaisse au détour du congrès 2018 et d’un article sur le site de la fédération qui nous apprenait que des matchs de Rugby à VII auraient pu se jouer en ouverture des rencontres de Super XIII. #Ah.

il s’en est suivi une nouvelle cure de silence d’un an et l’annonce officielle de l’abandon du projet dans le magazine – papier – officiel de la fédération* par Luc Dayan lui-même (via Treize Mondial) :

J’ai bien tenté de convaincre le Président de la Ligue Nationale de Rugby de nous donner l’autorisation d’utiliser des joueurs pros pour le Super XIII, mais il a opposé son veto. Il a été clair et m’a dit : « Moi vivant, c’est impossible, n’essaie même pas de me convaincre. »

Devant l’échec, dans le doute, blamer les quinzistes. Ca passera toujours. Luc Dayan aura au moins appris une chose durant son passage à XIII.

On ne saura peut-être jamais à quel point ce projet était crédible, ni à quel point il était réellement avancé. Mais in fine, il aurait forcément, nécessairement, butté sur deux problématiques fondamentales auxquelles la discipline semble incapable de répondre.

Des questions sans réponse

Avant toute chose, il faudrait d’abord se demander ce qu’est le rugby à XIII en France au juste ? Du ‘rugby’ avec seulement des règles un peu différentes, ou un sport autre, proche évidemment du XV, mais néanmoins distinct ? La question peut paraître secondaire pour beaucoup, elle est pourtant essentielle. Comme la plupart des treizistes français, Luc Dayan semble voir le XIII comme un autre ‘rugby’, pas un autre sport. L’autre ‘rugby’ donc, celui avec moins de blé, moins de joueurs, moins de clubs, moins de tout en réalité. Et qui pour vivre aurait besoin que le rugby, le seul pour 99% de la population, celui avec le blé, les joueurs…, consente à épargner quelques ressources pour le XIII… C’est tout l’échec du Super XIII; faire la manche n’est pas un axe de développement. Pour se développer, le XIII doit d’abord se considérer, se penser, comme un sport à part entière.

L’autre question fondamentale que refuse de trancher le mouvement treiziste est celle de son élite. Depuis un quart de siècle, le rugby à XIII se débat dans cette problématique. Il vit à la fois en Angleterre et en France, mais n’habite réellement nulle part. Ou se situe l’Elite du rugby à XIII français ? Est-ce qu’il s’agit des Dragons (et dans une moindre mesure du Toulouse Olympique) et donc de la Super League anglaise ou s’agit-il de la France et d’un éventuel projet franco-français comme l’aurait pu l’être le Super XIII ?  Le XIII ne peut pas se permettre de courir les deux lièvres à la fois. Certains semblent convaincu que l’avenir de la discipline peut se passer de l’Angleterre.

« A terme, on aimerait que les joueurs français rêvent de jouer en France, pas en Angleterre » Marc Palanques en 2017

Pourquoi pas, mais alors il faudrait avoir le courage de dire aux Dragons et au TOXIII que leur petites aventures outre-manche touchent à leur terme. Cela n’a jamais été fait. Si projet ambitieux il doit y avoir, il ne peut pas se faire sans eux. La problématique s’était déjà d’ailleurs posée dans les années 90, quand la France Rugby League de Jacques Fouroux (1995) et le lancement du PSG XIII en Super League (1996) s’étaient marchés sur les pieds, sans que aucun des deux projets ne réussisse. C’était il y à 25 ans…

Sans d’abord répondre à ces deux questions, il est sans doute illusoire de rêver à une réelle évolution pour la discipline dans notre pays.


*Parce que oui, il existe un magazine officiel papier (!) de la Fédération. Lu par 12 personnes et demi, certes. Mais il existe.

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Comments

  1. C’est bien dommage que ce projet n’ait pas vu le jour. Je pense que l’avenir du rugby est à la fusion des 2 codes au niveau mondial pour faire face à la concurrence du foot. Ensuite les joueurs pourraient librement « circuler » entre le 13, le 15 et le 7 (plus le beach rugby, le touch ou le rugby à 10) et la fédé ainsi créée aurait plusieurs évènements marquants pour assurer son développement (coupes du monde à 15, à 13 et à 7 chez les hommes et les femmes, et jeux olympiques à 7). Cela pourrait créer des cycles de promotion d’un code par rapport à un autre en fonction des évènements mondiaux et de la réussite de telle ou telle équipe nationale.

  2. Je pense qu’il faut faire le deuil d’une exposition nationale et se concentrer sur les 3 pôles existants : Toulouse, Perpignan, et… Avignon. Ces 3 clubs doivent être en Super League (avec par exemple une SL à 14).
    Ces 3 clubs seraient l’équivalent du TOP14 du rugby à XIII.
    Puis autour de ces 3 pôles on peut structurer une Elite 1 qui serait l’équivalent de la Pro D2. Saint Gaudens, Villeneuve, Albi, autour de Toulouse. Carcassonne, Lézignan, Limoux autour de Perpignan. Marseille (stade Delort idéal), Carpentras et Salon de Provence autour d’Avignon. Soit une E1 à 12, qui peut se jouer en alternance avec la PRO D2 / Nationale / Super League pour offrir aux villes 20-25 rencontres de rugby à domicile par an.

  3. Je pense qu’il faut faire le deuil d’une exposition nationale et se concentrer sur les 3 pôles existants : Toulouse, Perpignan, et… Avignon. Ces 3 clubs doivent être en Super League (avec par exemple une SL à 14).
    Ces 3 clubs seraient l’équivalent du TOP14 du rugby à XIII.
    Puis autour de ces 3 pôles on peut structurer une Elite 1 qui serait l’équivalent de la Pro D2. Saint Gaudens, Villeneuve, Albi, autour de Toulouse. Carcassonne, Lézignan, Limoux autour de Perpignan. Marseille (stade Delort idéal), Carpentras et Salon de Provence autour d’Avignon. Soit une E1 à 12, qui peut se jouer en alternance avec la PRO D2 / Nationale / Super League pour offrir aux villes 20-25 rencontres de rugby à domicile par an.

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